Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Karoline Leblanc : The Aethernauts / Dust Model for an Imperceptible Time (Atrito-Afeito, 2015)

karoline leblanc the aethernauts dust model for an imperceptible time

Leblanc, Karoline. Instruments : Alesis & Moog synthesizers. Passifs : Man of War. Situation actuelle : The Aethernauts (2014) et Dust Model for an Imperceptible Time (2015) = la B.O. d’un film d’animation qu’il y a des risques que l’on ne voit jamais (c’est ma paresse pour la vidéo) & deux pièces qui font à elles deux 35 non pas mm mais min.

Bon, quitte à être direct, je dirais que la B.O. frise la B.O.F. (ses séquences sonores d’ambient indus demandent de l’image). Maintenant, si l’on part du principe qu’une B.O. ça s’entend sur un film, je ne vois pas ce qu’elle fait sur le CD… Pour le reste (c’est-à-dire, quand même, l’essentiel), c’est plus passionnant. Et c’est malgré l’étrangeté de la chose, je veux dire ces synthés qui expirent ou cet énième tour en navette spatiale (jusqu’à la lune) qu’on nous propose. Et si le voyage n’est pas inoubliable, on peut profiter du paysage. 



Karoline Leblanc : The Aethernauts / Dust Model for an Imperceptible Time (Atrito-Afeito)
Edition : 2015.
CDR : 01/ The Aethernauts 02-03/ Dust Model for an Imperceptible Time : Alluvium / Moon Tinge
Pierre Cécile © Le son du grisli



Peter Brötzmann Trio : Mayday (Corbett vs. Demsey, 2010)

peter brötzmann mayday

C’est là tout le charme de l’étiquette Corbett vs Dempsey : non contente d’éditer ou de rééditer quelques enregistrements de choix, elle peut très bien consacrer un disque entier à une prise de quelques minutes seulement. Deux, dans le cas qui nous intéresse : Mayday enregistré par le trio de Peter Brötzmann le 1er mai 1966 au German Jazz Festival de Francfort. D'un Brötzmann, donc, d'avant le premier enregistrement « officiel ».

Remisées peut-être à cause de défauts momentanés (saturation de la contrebasse ici ou de l’entier groupe ailleurs), deux titres inconnus au bataillon – celui des nombreuses références de la discographie du saxophoniste – valaient bien d’être publiés. Flamboyant, le trio Brötzmann / Kowald / Courbois (davantage entendu, dans le genre, chez Hampel ou Breuker, ici en lieu et place de Sven-Åke Johansson) assène deux pièces d’un free qui exprime dans l’urgence ce dont le jazz n’aura, finalement, désormais plus que faire : un dessein sans destination d’avance envisagée.

Peter Brötzmann Trio : Mayday (Corbett vs Demsey / Orkhêstra International)
Enregistrement : 1er mai 1966. Edition : 2010.
01/ Intensity 02/ Variability
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


LDP 2015 : Carnet de route #28

ldp 2015 30 octobre 2015

Jacques Demierre et Urs Leimgruber sont désormais à New York, et au programme de l'IBeam Brooklyn pour deux soirs. C'est ici le souvenir du premier. 

30 octobre,Brooklyn, New York
IBeam

Kevin Reilly ist eine Ausnahme Erscheinung. Er ist ein grosser Liebhaber und ein engagierter Produzent improvisierter Musik. Er führt sein eigenes Label Relative Pitch.Seit vielen Jahren kennt er die internationale Szene bestens. Während dieser Zeit hat er eine grosse Anzahl von Lp’s, Kassetten und CD’s führender internationaler Protagonisten gesammelt, archiviert, und er hat einen ganzen Katalog von CD’s auf seinem Label produziert. Er organisiert die beiden Konzerte heute und morgen im Ibeam, Brooklyn. Der Club befindet sich im Südwesten Brooklyn’s, an der 7th Street im ehemaligen Industrieviertel inmitten von Gewerbehallen. In der Zwischenzeit wohnen hier heute mehrheitlich junge Leute, Künstler und Musiker. Der Standort ist mit diversen Clubs, Restaurants und Bar’s sehr belebt.
Jacques und ich installieren uns im Club. Kevin richtet den Beamer für das Video. Harald bringt die nötigen audio Kabel, die er beim Music Store nebenan ausleiht. Die ersten Zuhörer treffen ein. Sie strecken mir CD’s zum Signieren entgegen. Zum Teil sind es ältere Veröffentlichungen, Aufnahmen die ich fast schon vergessen habe. Dennoch sind sie mir ganz präsent. Wenn ich in der Erinnerung an sie denke, höre ich jeden Ton, jeden Klang, das ganze Gerät das wir dazumal aus dem Moment heraus entwickelten und in unbekannte Richtungen bewegten. Es geht mir auch mit Konzerten so, die dazumal nicht aufgezeichnet worden sind. Ich erinnere mich an einen bestimmten Ort, an die Stimmung im Raum, sofort nehme ich gespielte Klänge und Abläufe wahr, ich höre das Konzert von neuem. An andere Konzerte kann ich mich überhaupt nicht mehr erinnern. Sie haben sich aufgelöst.
An diesem Abend beginnt das Konzert mit dem Video mit Barre. Anschliessend spielen Jacques und ich im Duo, beginnend im Crossfade zusammen mit dem Kontrabass. Heterogene Abläufe und Attacken fallen ein. Clusters, Multiphonics, Lufttöne, Obertöne, Klappen-geräusche, Pfeifen, Reiben, Stille, Pedale bewegen, Saiten zupfen, Klaviatur betasten… und ein kurzes, intensives Crescendo mit längerem Abbau und Ausklang.
Nach dem Konzert lerne ich Dave Phillips (Phillips Junior) kennen. Dave ist ein sehr sympathischer Mann. Er spielt auch Kontrabass. Dave erzählt mir, dass er vor zehn Tagen noch bei Barre zu Hause in St. Philomène war, als Barre ihm erzählt wie gerne er zusammen mit uns mit auf der Tour wäre, und dass er sich jeden Tag mental und physisch aufbaue, um am 13. November, nach fünf monatigem Unterbruch zusammen mit uns in der Tonhalle wieder auf der Bühne stehen zu können. Die Leute unterhalten sich. Später verlassen wir alle den Raum. Wir rufen eine Taxi. See you tomorrow!
U. L.

P1100600
"Llévame a la Roca!", me précise le chauffeur de taxi équatorien en rigolant, n'est pas cette chanson à la mode dans les milieux chrétiens d'aujourd'hui qu'entonneraient certains passagers depuis le siège arrière de son véhicule qui nous conduit, Urs et moi, de La Guardia Airport à Brooklyn, mais bien la destination de la course donnée par les membres des familles latino-américaines qui voudraient rendre visite à leurs proches incarcérés à Rikers Island, connu pour être l'un des complexes carcéraux de New York les plus violents.  Il ajoute avec un grand sourire, alors que je viens de lui dire que nous sommes musiciens et que mon instrument est le piano, que cette destination en précède statistiquement de très peu une autre, "Llévame a Steinway Street!", puisque l'usine qui fabrique les pianos Steinway & Sons, et qui originellement faisait partie du Steinway Village, est située non loin de l'île sur la East River, qui accueille cette prison à haut risque, entre Queens et Bronx. Se rendant compte que je comprends l'espagnol, il me confie d'une voix plus basse et légèrement voilée, qu'il aimerait jouer du piano. Tellement. Et qu'habitant également dans le Queens, la visite régulière de la fabrique Steinway reste pour lui comme un pèlerinage dont il ne saurait se passer. Alors que ses mots me rappelle des scènes de dévotion religieuse auxquelles j'ai pu assister, au Mexique et en Bolivie, où l'expérience extatique passe par une intense adoration d'objets souvent brillants et étincelants, il revient brusquement à l'anglais et s'adresse à Urs en lui disant que le saxophone est un instrument plus difficile, dans la mesure où il faut simultanément souffler et garder le rythme. Je reste un peu interloqué face à cette affirmation, et tente de visualiser, bloqué au milieu des embouteillages, cette relation entre rythmique et soufflerie. Peut-être notre chauffeur veut-il évoquer une difficulté qui viendrait d'une perte momentanée de l'immédiateté entre marcher et respirer ? Cette pensée m'a occupé jusqu'au soir, où, dans le cadre de notre premier concert au IBeam de Brooklyn, en duo saxophone-piano, un ténor Selmer Mark VI et un soprano Selmer Super Action II pour Urs, et un SCHIMMEL, 1885, numéro 295.196, pour moi, un instrument datant de 1991, si on en croit le tableau des numéros de séries et année de fabrication consultable sur le site de la maison Schimmel, j'ai pu une nouvelle fois expérimenter combien la pratique de la tournée permet de travailler jour après jour, concert après concert, sur cet état qui ne présuppose pas ce qui pourrait advenir, mais qui est comme une préparation à agir de la manière la plus proche des forces qui agissent l'instant du concert. Cet état de préparation est là pour nous permettre de capter au mieux les forces d'immédiateté, sans se préoccuper de leurs manifestations extérieures. Le mouvement part de l'intérieur et laisse l'extérieur se manifester librement. En écrivant cela, j'aimerais dire ici l'influence sur mes contributions au Carnet de route du livre de Jean-François Billeter, Essai sur l'art chinois de l'écriture et ses fondements, paru en 2010 chez Allia, ouvrage qui est une refonte de l'Art chinois de l'écriture publié chez Skira à Genève en 1989. Bien calé et protégé dans mon sac à bandoulière, ce livre a accompagné et accompagne encore chaque instant de la tournée LISTENING. Il ne cesse de m'aider à mieux localiser mes réflexions, comme autant de points à préciser par processus de triangulation, et de m'ouvrir des espaces de perception et de compréhension que seul je n'aurais jamais su convier. Coïncidence : si ce livre fut d'abord publié à Genève, c'est aussi à Genève que Ludwig Hohl, cité par Billeter, a vécu les dernières années de sa vie dans une petite chambre en sous-sol du quartier de la Jonction. Il écrit ceci dans Die Notizen : " Une expression immédiate : voilà ce que sont les grandes œuvres d'art. […] Seule peut être immédiate une expression dans laquelle ne subsiste plus aucune partie solide du passé. Celui qui s'exprime a certes absorbé en lui beaucoup de passé, mais il l'a fondu, liquéfié, liquidé, de sorte qu'il a pu ne laisser couler que ce qui était nécessaire: tout ce qui subsiste sert. " Ce sont ces mots qui me reviennent à l'esprit lorsqu'à la pause, Chris Mann, poète australien vivant à New York, m'évoque la traduction d'une de ses performances en langage des signes, dans l'immédiateté de l'instant et tel que l'aurait pu faire un interprète simultané.
J. D.

P1100552

Photos : Jacques Demierre

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Joe McPhee : Solos: The Lost Tapes (Roaratorio, 2015)

joe mcphee solos the lost tapes

Après Hat Hut (Tenor, Graphics, Variations On A Blue Line / 'Round Midnight ou, plus récemment, As Serious As Your Life), le label Roaratorio (Everything Happens For A Reason, Soprano, Alto) permet à Joe McPhee de renouer sur disque avec le solo – et régulièrement encore. Certes, ici, les quatre titres à entendre datent de la première moitié des années 1980.

Passablement documentée, cette période de la vie du musicien est pourtant celle d’expérimentations diverses et de mises en conditions différentes – trois concerts  : le premier donné en 1981 à San Francisco et diffusé à la radio, le deuxième ayant eu lieu l’année précédente dans un loft new-yorkais, le troisième, de soutien, offert en 1984 à New York encore – qui les inspirent.

Si toutes émouvantes, la plus surprenante de ces pièces est peut-être la première. Ainsi l’introduction de Wind Cycles arrange-t-elle souffles et coups de langue pour nous donner l’impression (le mot est choisi) d’entendre tomber de lourdes gouttes de pluie sur le souffle de la bande. Le vent soulève ensuite un court motif et le fait tourner : McPhee progresse par à-coups, enraye puis bloque sur une note à laquelle il tordra le son.

C’est ensuite The Redwood Rag au soprano. Sur cet autre « rag » – marche pour laquelle McPhee disait, au son de Knox, toute son affection dès son premier disque solo, Tenor –, le musicien va à pas comptés, développant de différentes manières un motif mélodique pour en multiplier les perspectives. Avec autant de précaution mais davantage de force, il passe sur Ice Blu d’un aigu d’alto à un grave avant d’envisager une ligne impressionniste dont il soigne la justesse.

Il en sera de même sur Voices, dont les vrilles dessinent, en prenant leur distance avec le micro, un admirable chant d’atmosphère que McPhee révéla plus tôt à Willisau avec John Snyder et Makaya Ntshoko (The Willisau Concert), avec Raymond Boni ensuite (Voices & Dreams). Rares, déjà, et différentes en plus : ces bandes retrouvées obligent l’amateur à compléter sans attendre ses archives McPhee.

Joe McPhee : Solos: The Lost Tapes (1980-1981-1984) (Roaratorio / Improjazz)
Enregistrement : 1980-1981-1984. Edition : 2015.
LP : A1 Wind Cycles A2 The Redwood Rag – B1 Ice Blu B2 Voices
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Frank Bretschneider : Isolation (LINE, 2015)

frank bretschneider isolation

Qu'est-ce qui peut bien motiver l’Isolation de Frank Bretschneider ? Eh bien, pas grand-chose de neuf, à en croire l’écoute (parfois une suffit, mais j’admets qu’elle peut tromper !) que j’ai faite du disque.

L’entrée en matière était plutôt engageante, avec son infrabasse et son aigu en piste. Mais après, Bretschneider (erreur de frappe google : un Franck Bret habiterait Perpignan) nous fera le coup de la dislocation : l’infrabasse revient seul, ou alors c’est l’aigu qui revient seul, et quand ils reviennent seuls mais ensemble (un buzz de masse et un aigu théréminant) l’effet n’est plus le même. Moins rythmique que d'habitude, le Bretschneider, sur ces cinq titres qui s’écoutent, mais qui ne m’ont pas perpignanisé non plus. Tchus.

Frank Bretschneider : Isolation (LINE)
Edition : 2015.
CD : 01/ White Light 02/ Neon Night 03/ Cycle/Circle 04/ Vertical Time 05/ Oscillation/Feedback
Pierre Cécile © Le son du grisli



Daniel Levin, Rob Brown : Divergent Paths (Cipsela, 2015)

daniel levin rob brown divergent paths

Acceptant les lignes brisées – ou plutôt ne sachant comment s’en détacher –, Daniel Levin et Rob Brown poussent assez loin le jeu des disputes et querelles. L’un déroule ses phrasés fougueux, l’autre tente de le rejoindre, échoue, noue un pacte avec le très grave de ses cordes, renonce et laisse son partenaire gambader sans contrainte. L’un est l’autre s’éloigneront, toujours, se retrouveront (Mutuality).

Plus loin (Dialogue), les rousses harmoniques de l’alto envahiront le cercle. Le violoncelle lui répondra d’une harmonie commune. Le contrepoint sera du voyage. Tous deux multiplieront les angles. Les stratégies s’oublieront. La beauté se touchera du doigt. Chacun dira sa différence et l’autre écoutera. Et enfin, « si loin si proche », l’un et l’autre retourneront aux lignes brisées (Match Point) et, sans modération, s’en délecteront.



Daniel Levin, Rob Brown : Divergent Paths (Cipsela Records)
Enregistrement : 2012. Edition : 2015.
CD : 01/ Mutuality 02/ Dialogue 03/ Match Point
Luc Bouquet © Le son du grisli


Åke Parmerud : Growl (Empreintes DIGITALes)

ake parmerud growl

Vétéran de la scène électroacoustique, Åke Parmerud est d'autant plus précieux qu'il est rarissime. Septième disque du sexagénaire suédois, malgré des débuts qui remontent à 1980, Growl parcourt le temps des machines et l'impact constant qu'elles ont sur notre quotidien d'homme moderne.

Avec ses atours robotiques et ses pulsations régulières, le premier titre La Vie Mécanique renvoie carrément à la motorique de Kraftwerk (et nul doute que si Ralf und Florian avaient un jour décidé de s'intéresser au genre, on les aurait retrouvés sur l'officine québécoise Empteintes DIGITALes). La suite s'intéresse aux craquements du disque vinyl (Grooves, moins original) avant un étonnant et radical rapprochement entre la vie aviaire captée par Chris Watson et une électronique cosmique remodelée par Felix Kubin vs. Philippe Petit. Grandioses et comiques, ces Electric Birds. Qui disait que la musique électroacoustique manquait d'humour ? D'autant que le titre suivant, Growl!, dépote avec une envie fendarde tous les clichés vocaux de la scène métal. Jouissif, avant la conclusion un rien chiffonnée Transmissions II.



Åke Parmerud : Growl (Empreintes DIGITALes)
Edition : 2015.
CD : 01/ La Vie Mécanique  02/ Grooves  03/ Electric Birds  04/ Growl!  05/ Transmissions II
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli


Leif Elggren, Joachim Nordwall : Prepresence (Confront, 2015)

leif elggren joachim nordwall prepresence

On imagine Joachim Nordwall bien occupé : le catalogue iDEAL Recordings (Wolf Eyes, Merzbow, Anla Courtis…) à augmenter, des disques à enregistrer et des concerts à donner, et puis cet iDEAL festival à organiser. A Göteborg, le plus souvent, mais aussi à Stockholm. C’est là qu’a été attrapé, en 2011, ce concert de vingt minutes qu’il donna avec Leif Elggren.

Après s’être fait entendre face contre face (The Holy Cross Between Our Antlers), Elggren et Nordwall travaillaient donc ensemble à une musique d’un caractère ombreux – c’est le point qu’ont en commun leurs deux discographies. Sur la boîte de métal, l’autocollant noir ne fait pas mention des instruments employés par les deux hommes. On imagine une guitare électrique et un peu d’électronique.

C’est un drone parasite qui oscille, crépite, sature un peu : c’est, surtout, un tableau de massacre qui montre un homme découper une guitare à l’aide d’une tronçonneuse pendant qu’un second l’attend dans un étrange véhicule qui tourne. S’il n’est pas non plus indispensable à la discographie d’Elggren ni à celle de Nordwall, Prepesence est un document qui s’écoute avec facilité et, dans le noir, repose presque.

Leif Elggren, Joachim Nordwall : Prepresence (Confront)
Enregistrement : 28 février 2011. Edition : 2015.
CDR : 01/ Prepresence
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 


Jacob Kirkegaard : Arc (Holotype, 2015)

jacob kirkegaard arc

Les vinyles, je les aime comme celui-là, quand on peut les commencer par la face A ou par la face B, peu importe. On peut même ne passer qu’une face, après tout. Ce n’est pas manquer de respect à l'Arc de Jacob Kirkegaard, au contraire. D’autant qu’il s’est donné pour mission de sauver l’ambient et que je n’y vois aucune objection.

Surtout que la musique qu'il a écrite pour La Passion de Jeanne d’Arc de son compatriote Carl Th. Dreyer, si l’on veut bien faire les choses, il faudrait l’écouter en regardant le film justement (on apprendra qu’à l’époque de « sa sortie » des musiciens pouvaient jouer dessus en direct et qu’il a existé ensuite des versions sonorisées…). Alors, j’ai décidé de faire selon l’envie.

Ça ne changera rien à cette succession de couches de synthétiseurs qui s'étendent pianissimo. On ne trouvera pas là le moindre drone même si ces couches sont accrochées les unes aux autres. On baignera dans une ambient illustrative sépulcrale, on assistera à l’apparition d’un arc-en-ciel en pleine nuit, on entendra des voix nous aussi (en fin de A, au milieu de B). Ce n’est qu’alors que Kirkegaard respectera la dramaturgie : des basses entrent et des cornemuses (on dirait) avec... Ça se complique pour Jeanne mais pour nous l’effet est le même : on en reste muet !    

Jacob Kirkegaard : Arc (Holotype Editions / Metamkine)
Edition : 2015.
LP : A/ Arc I – B/ Arc II
Pierre Cécile © Le son du grisli


LDP 2015 : Carnet de route #27

ldp 2015 new haven

Au lendemain du concert de Buffalo, Jacques Demierre et Urs Leimgruber visitaient New Haven. Si, non content du léger retard qu'a pris le carnet de route, l'amateur tenait à surprendre le ldp par son insistance : qu'il aille le rejoindre demain à Hambourg ou après-demain à Cologne...

29 octobre New Haven
Recital Hall at The Neighborhood Music School New Haven

Die Reise von Buffalo nach New Haven hat seine Tücken. Uns steht ein anstrengender Tag bevor. Am Flughafen angekommen, wird uns mitgeteilt; der Flug nach Philadelphia ist aufgrund des stürmischen Wetters annuliert. Die geplante Zugreise im AMTRAK von Philadelphia nach New Haven fällt somit auch ins Wasser. Der nächste Flug ist bereits ausgebucht. Und der übernächste ist laut Flugplan für 6:00pm angekündigt. Dieses Angebot kommt für uns definitiv nicht in Frage, da unser Konzert in New Haven um 8:00pm beginnt. Eine Zugreise von Philadelphia nach New Haven dauert 3 ½ Stunden. Wir entschliessen uns auf einen direkteren Weg via Newark. Der Flug wird uns sofort bestätigt. Wir erhalten einen neuen Boarding Pass. Unser Gepäck werde selbstverständlich nach Newark umgebucht.
So far so good, denken wir. In Newark angekommen fehlt prompt der Koffer von Jacques. Shit! Da ist was schief gelaufen. Der Mann am Baggage Service bestätigt uns, dass laut System der Koffer von Jacques angekommen sei. Die Suche nach dem fehlenden Gepäckstück geht los. Plötzlich stellen wir fest, dass die Dame am Check-in Schalter in Buffalo unsere beiden Namen verwechselt haben muss, da mein Koffer auf Jacque’s Namen lautet. Nach langem Suchen geben wir auf. Der Koffer von Jacques wird offiziell als vermisst gemeldet und vom Service Mann mit Ticket bestätigt. Wir geben die Adresse des Midwood-Suites Hotels in Brooklyn an, wo wir ab Übermorgen wieder wohnen werden. Anschliessend bewegen wir uns zum Car Rental Thrifty, um ein Auto zu mieten. Das alles dauert ein bisschen. Jetzt sitzen wir mit GPS in einem amerikanischen Kleinwagen, Klasse B. Ich als Fahrer, Jacques als Co-Pilot.
We take off! Der Verkehr hält sich in Grenzen. Wir steuern Richtung North Bronx, Riverdale, Upstate New York, mit Ziel New Haven. Um 7:10pm erreichen wir das Hotel. Wir waren 11 ½ Stunden unterwegs. Wir haben Zeit für ein Dusche. Um 8:00pm sind wir am Konzert Ort. Das Publikum wartet. Wir treten ein und begrüssen kurz die anwesenden Leute. Adam Matlock, Akkordeonist ist für die Organisation des Konzerts zuständig. Er hat soweit alles Notwendige vorbereitet. Wir installieren uns. Nach ein paar Handbewegungen von Adam läuft das Video, bald setzen wir ein. Heute bilden nicht nur der Ort und die anwesenden Leute, die Basis für ein experimentelles Erlebnis, die Ereignisse des heutigen Tags sind nachhaltig und Teil einer langen musikalischen Reise mit ausklingendem Schlusspunkt. Time for dinner.
U.L.

P1100563

Alors que j'avais encore clairement en mémoire la disposition du poème visuel traçant l'espace intérieur du Steinway & Sons joué à Buffalo, ma surprise fut immense, le soir suivant, de découvrir dans la salle de concert de la Neighborhood Music School de New Haven, un magnifique et ancient piano, une nouvelle fois un Steinway, se présentant extérieurement en lettres gothiques, Steinway & Sons. Patent Grand. New York. London. Hamburg., et dont l'intérieur affichait cette fois-ci une somme d'informations encore plus grande relatives à son origine et à sa construction. J'ai senti qu'un pas supplémentaire avait été franchi dans l'escalade vers une appropriation textuelle de la surface interne de l'instrument, où marques, caractères et dessins, décrivaient, tel un archipel de tatouages, la topographie des inventions technologiques et scientifiques que la famille Steinway apporta au piano moderne en fin de deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Ces avancées techniques permirent à la fois le développement du jeu des pianistes de l'époque, particulièrement celui des grands pianistes romantiques et virtuoses, ainsi que la découverte de configurations sonores encore inouïes aux oreilles des futurs compositeurs. Comme à chaque rencontre avec un nouveau piano, et ceci depuis le début de la tournée LISTENING, je note ou je photographie les informations textuelles figurant sur l'instrument, de manière à les reprendre, les étirer et à tisser, à partir de ce fragile fil rouge, des connexions improbables, parfois déjà la nuit même après le concert, ou plus tard, si, les concerts se suivant quotidiennement, le rythme d'écriture du Carnet de route s'en trouve ralenti. De retour à l'hôtel, c'est en voulant relire, à New Haven, sur mon smartphone, ces notes extraites de la partition textuelle inscrites à même la matière ligneuse et métallique de l'instrument, que je les ai, d'un mouvement de pouce, malencontreusement toutes effacées. Perte irrémédiable, dont il ne subsista que ce dont ma mémoire se souvenait et ce que les photos, prises généreusement et envoyées électroniquement par l'accordéoniste Adam Matlock le jour suivant, laissaient apparaître. L'intranquillité à rassembler tant bien que mal cet amas de fragments textuels, m'a fait oublier le livre ouvert, m'a fait passer de l'autre côté du miroir, où je me trouvais d'ailleurs déjà lorsque j'ai pris cette photo à Philadelphie, où l'on voit une jeune fille marcher dans le sens contraire de la lecture des mots collés sur la vitrine d'un café. Depuis, je ne cesse d'imaginer l'effet Doppler produit par cette rencontre accidentelle.

SAN • BREADS • ROLL
CACCIA • PASTRIES •

STEINWAY & SONS
OVERSTRUNG
SCALE PAT.
DEC. 20 1859
MAY 28 1872

SAN • BREADS • ROLL
CACCIA • PASTRIES •
SSERTS • SWEETS

NEW YORK
ACTION FRAME
PAT AUG 10 1869
TUBULAR
METALLIC
REISSUE DEC 30 1879

SAN • BREADS • ROLL
CACCIA • PASTRIES •
SSERTS • SWEETS
GIFT BASKETS

DUPLEX…………..
STEINWAY & SONS
REGISTERED'
OCT'31, 1876.
JULY 9, 1876.

SAN • BREADS • ROLL
CACCIA • PASTRIES •
SSERTS • SWEETS
GIFT BASKETS
CIALTY FOOD EMS

BENT RIM PAT MAY 21 1878
DOUBLE CUPOLA PAT MARCH 31
18…………………………………….

CACCIA • PASTRIES •
SSERTS • SWEETS
GIFT BASKETS
CIALTY FOOD EMS

STEINWAY FOUNDRY
STEEL CASTING

SSERTS • SWEETS
GIFT BASKETS
CIALTY FOOD EMS

REPETITION ACTION
PAT' NOV 30 1875
CAPO D'ASTRO BAR
PAT NOV 30 1875

GIFT BASKETS
CIALTY FOOD EMS

J.D.

P1100578

Photos : Jacques Demierre

> LIRE L’INTÉGRALITÉ DU CARNET DE ROUTE



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