John Butcher, Ståle Liavik Solberg : So Beautiful, It Starts to Rain (Clean Feed) / Kimmig-Studer-Zimmerlin, Butcher : Raw (Leo)
Au « T » de « ténor », dans l'un des deux cahiers que le son du grisli publia jadis, Guillaume Tarche précisait « de quel bois » peut être fait le saxophone en question quand c’est John Butcher qui en fait usage : « machine à la mécanique rendue palpitante, outil envisagé dans toute sa dimension concrète, corps sonore, fraiseuse à propulsion pneumatique, interface par laquelle inspirer et expirer, le saxophone s'abouche (…) à un complexe bucco-dentaire, pulmonaire et digital pour le moins unique ».
C’est surtout au ténor – mais au soprano aussi – que le saxophoniste enregistrait encore récemment en duo avec le batteur Ståle Liavik Solberg (on se souvient de VC/DC ou de ses rencontres avec Martin Küchen sur Human Encore et Three Babies ou John Russell sur No Step) ainsi qu’en compagnie du trio que forment Harald Kimmig (violon), Daniel Studer (contrebasse) et Alfred Zimmerlin (violoncelle).
Deux situations différentes, auxquelles Butcher s’est forcémente adapté : avec la batterie, il engage ainsi une conversation sur le ton d’une improvisation libre, proche encore du jazz, qui lui permet d’aller et venir entre expressions franches et replis sur motif ; avec les cordes, l’atmosphère est plus « contemporaine » et c’est, après le premier déboîtement, une suite de silences ou plutôt de retenues auxquels il lui faudra répondre. Et s'il ne faillit ni dans l’un ni dans l’autre exercice, le premier des deux met peut-être davantage en valeur le bel art de John Butcher.
John Butcher, Ståle Liavik Solberg : So Beautiful, It Starts to Rain
Clean Feed / Orkhêstra International
Enregitrement : 11 août 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ So Beautiful 02/ It Starts 03/ To Rain
Trio Kimmig-Studer-Zimmerlin, John Butcher : Raw
Leo Records / Orkhêstra International
Enregistrement : 25 janvier 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ A Short Night With A Light Beam Of The Moon 02/ Cloudless Sky And The Sun 03/ Morning Star Shining On Hydrangea 04/ Croaks Of Frogs At Midnight Under The Milky Way
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
For Promotional Use Only? Jemh Circs, Tucker Dulin & Ben Owen, John Chantler
Piqué par quelques remarques (la loi des séries, en mai et juin et même si mai et juin c'est déjà loin c'est quand même beaucoup) de lecteurs (c’est donc qu’il y en a, et ils sont parfois musiciens >> smiley clignant de l’œil) sur mon travail de « critique musical », l’envie m’a titillé d’expliquer pourquoi je fais vite et pourquoi je ne décris pas tant que ça la musique des galettes que je reçois. Et puis non. Non, je n’expliquerai rien, mais je promets que je ferai pire. Car je peux faire (encore) pire, évidemment. En plus de mon incapacité choisie (oui) à ne pas décrire, voilà que je survolerai maintenant la production FPUO (For Promotional Use Only > c'est pas à un mois de la fin des chroniques de disques en ligne sur le son du grisli que je vais lancer une rubrique, dommage mais tant pis j'avais qu'à y penser avant) que je reçois. Après tout, quand un disque est mauvais sa copie l’est tout autant (et même parfois elle saute mais parfois vaut mieux pour elle) et me voilà dans l’impossibilité de le revendre à un prix défiant toute concurrence = à la poubelle. Et dans la banlieue silencieuse où je réside, je suis lourdement taxé sur les déchets.
Dans la banlieue silencieuse où je réside, donc, qu’avais-je besoin de ces sauts de puce électronique, de ces plages qui ont la bougeotte triste ? La copie d’un LP de Jemh Circs (CD-R LC 06790 tamponné des noms de l’artiste et du label Cellule 75) qui saura ennuyer tout amateur de bonne électro à synthés. Du Bel Canto mou de la glotte ou du Momus instrumental qui se la jouerait expé (tiens là un bruit de verre, tiens là un larsen, lequel je garde putain ?…).
Quitte à donner dans l’expérimental, j’ouvre la pochette du Tucker Dulin / Ben Owen. Dans la version que j’ai reçue de For Echo of Echo il y a un carton plié en deux (un « /30 » apparaît au dos mais le mien est barré par un trait de crayon) et un CD-R (TDK 52X 700MB). Une demi-heure d’une prestation enregistrée en 2013 à New York, dans une galerie au public comblé je n’en doute pas par des bruits de trucs traînés par terre, un drone électronique ou deux notes de cuivre (je ne saurais dire lequel)… Je ne comprends pas vraiment ce que font Dulin et Owen, ce qu’ils cherchent et pourquoi ils pensent que le son de leur performance pourrait m’intéresser. La question restera en suspens.
Comme la question que pose John Chantler : Which Way to Leave? Retourner au bidouillage électro ? Bon. Va pour le Chantler alors… Un autocollant avec la tracklisting et les infos de base sur une pochette cartonnée avec dedans un autre CD-R imprimé… D’une autre trempe que celle de Jemh Circs, la copie de celui-là, alors qu’elle aussi peut sautiller mais avec une gaucherie classe qui la rend intéressante. Bizarre dans sa façon de se tenir, de s’aplatir à la Eno ou de saturer à la grecque, Chantler accouche d’une belle œuvre abstracto-dépressionniste. Ce qui me fait avouer qu’il y a bien sûr des FPUO que l’on garde. Et qu’il peut même arriver que le pauvre chroniqueur de banlieue achète « le vrai » bon disque qu’on lui a gentiment copié pour que, avec un peu de chance et même rapidement, il en fasse encore mieux après la publicité.
Jemh Circs : Jemh Circs
Cellule 75
Edition : 2016.
CD : 01-09/ Jemh Circs
Tucker Dulin, Ben Owen : For Echo of Echo
Enregistrement : 2013. Edition : 2016.
CD : 01/ Echo of Echo
John Chantler : Which Way to Leave?
Room40
Edition : 2016.
CD : 01-09/ Which Way to Leave?
Pierre Cécile © Le son du grisli
P.S. : N'hésitez pas à réagir à cette rubrique afin qu'elle ait une chance de se poursuivre dans la version papier du son du grisli.
Anne-James Chaton, Andy Moor, Thurston Moore : Heretics (Unsounds, 2016)
En 2014, Anne-James Chaton, Andy Moor et Thurston Moore passèrent quelques jours ensemble, à Saint-Nazaire. C’est ce qu’un film, Journal d’Hérésie de Benoît Bourreau, raconte. Au moment où celui-ci se termine (28 janvier 2015), les musiciens s’apprêtent à monter sur la scène du Théâtre de la ville pour donner un concert qu’un disque, Heretics, « rejouera » ensuite en studio.
Cette distinction faite entre le work-in-progress et la livraison de la commande – du concert, on n’entendra rien et on ne verra rien d’autre que cette photo glissée dans la chemise de carton qui renferme un CD, un DVD et un livret – est la première belle idée du projet. Ecrit à des degrés divers par Chaton, Moor & Moore, et arrangé autour de cet Érétik (Chaton / Moor) qui donna son nom à l’association, le cahier de poésie se laissera lire, certes, mais gagnera beaucoup au soutien de la musique à laquelle il est associé.
Après Transfer, Chaton et Moor poursuivent donc leur association au son de motifs que le second peut tirer de son répertoire (on reconnaît ainsi quelques motifs de Marker) ou de phrases à faire tourner sur lesquelles Moore semble tomber à peine a-t-il effleuré les cordes de sa guitare – c’est en tout cas l’impression que donne le film. En guise d’hérétiques, voici évoquées les figures de Burroughs, du Caravage, de Sade ou de Johnny Rotten – auxquelles ajouter quelques noms extraits des Respirations et brèves rencontres de Bernard Heidsieck.
Ainsi Chaton égrène-t-il une nouvelle liste au gré de laquelle les hérétiques du monde entier s’unissent et s’entrechoquent quand les interventions des guitaristes font ici naître des harmoniques, servent là une mécanique entêtante, agitent ailleurs un médiator en espérant tomber sur la note « adéquate ». Malgré ses réussites, c'est là le hic d’Heretics : si le film intéresse, le disque, au bout de quatre ou cinq plages, traîne rapidement en longueur. En conséquence, c’est au work-in-progress qu'il documente que l’on applaudira d'abord.
Anne-James Chaton, Andy Moor, Thurston Moore : Heretics
Unsounds
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD + DVD : 01/ Ce que je sais 02/ Clair obscur 03/ Erétik 04/ Casino rabelaisien 05/ Dull Jack 06/ The Things That Belong to William 07/ Heidsieck’s Chords 08/ Coquins Coquettes et Cocus 09/ Poetry Must Be Made By All 10/ Le songe de Ludwig 11/ Concoctions
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Sven-Åke Johansson : More Compositions (SÅJ, 2014)
Sur un mode répétitif, nous croisons la route du compositeur Sven-Åke Johansson. Faisant respirer ses partitions de pauses en riens expiatoires, celui-ci convoque l'Holzblasensemble, ensemble de cuivres, et l’oblige à réitérer le motif jusqu’à l’excès (Italienische Vekehrverständigung). Ecrivant pour percussions et interprétant lui-même sa composition (Klingend und Festgehalten), le batteur ne s’éloigne que très peu de ses solos improvisés (faire résonner ses cymbales ou, au contraire, – sa grande spécialité – en stopper la réverbération, insister sur les cymbales frottées avec l’archet, rouler sur des toms sourds et en arrière-plans). Pour finir, le compositeur installe avec l’aide de l’Ensemble Zwischentöne, un motif récursif de quatre notes, lesquelles iront se décalant et se désintégrant en toute fin d’œuvre (Bom-Zeke-Bom). Ceci pour le CD 1.
En 1991, le compositeur invitait l’Akkordeon Orchestra Berlin à s’imaginer grandes orgues du Boardwalk Hall Auditorium Organ. Entre silences et clusters périlleux, tous enfantaient l’inquiétude. Concept réussi haut la main (Miniaturen für Akkordenorchester). A Berlin en 2007, SAJ obligeait la violoncelliste Agnieszka Dziubak à délaisser son archet au profit d’une brosse griffant le bois de l’instrument jusqu’au sang (In Memoriam Tom Cora). Ceci pour le CD 2.
Il y a deux ans à peine, SAJ composait pour harpe solo Variations on Vimse, se délestait de toute action anxiogène, laissait s’exprimer le suave arpège mais, chassez le naturel, imprimait quelque rude sécheresse à la mélodie (phrasé répétitif mettant à mal nos nerfs). Quelques années plus tôt (2006 plus précisément), il entourait de sépia ses percussions ondulantes (Nuue Kochstrasse). Et à Berlin, au tout début du XXIème siècle, faisait résonner pendant seize minutes un combo de Harley Davidson accouplé à un statique chœur mixte (Konzert für MC (H-D) und Gemischtem Choir). Ces dernières, anecdotiques. Ceci pour le troisième CD.
Toujours sur la corde raide d’un minimalisme répétitif, Sven-Åke Johansson convoquait un combo de flûtistes à stationner en des hauteurs médianes souvent reproduites (Flötenquartee Nr. 1), soliloquait et ne ratait aucune des périphéries (archet sur cymbales et sur cerclage des fûts, polystyrène) de son set de percussions (Abovensen zur see), enfin troublait le motif de silences, timbales lointaines, carillons inégaux, piano éparpillé avant bref final grandiloquent (Die neue zeit ist pausenlos). Ceci pour le quatrième CD.
Pour clôre ce coffret, Johansson posait l’inquiétude, son cri voilé, sa poésie brouillée (Polis, Wachs und Pommade) à la lisière de la trompette d’Axel Dörner, retrouvait ses archets, cymbales et polystyrènes (Abovensen geht leicht gebückt), finalement, pactisait un motif, toujours réitéré, parfois pénétré de quelque glissendo anxiogène, le tout saupoudré d’avisées dissonances (Einen Staubigen Klang Finden).
Sven-Åke Johansson : More Compositions
SÅJ / Improjazz
Edition : 2014.
5 CD : More Compositions
Luc Bouquet © Le son du grisli
Dans le premier numéro papier de la revue Le son du grisli, Luc Bouquet signera une rétrospective de l'oeuvre de Sven-Åke Johansson. Au sommaire également : Jason Kahn, Nurse With Wound, Zbigniew Karkowski et La Monte Young. Informations et précommande sur le site des éditions Lenka lente.
Ryoko Akama, ko Ishikawa, Bruno Duplant : 2 Compositions (Meenna, 2016) / Bruno Duplant : Places & Fields (B Boim, 2016)
Je ne sais si Ryoko Akama serait d’accord avec moi pour parler (dans la chronique que je suis en train d’écrire alors que je vous parle) de « réductionnisme » à propos des deux compositions qu’elle exécute avec Bruno Duplant (contrebasse, electronics) et Ko Ishikawa (shô). Trop tard, c’est fait.
Si je serais bien incapable de donner une définition précise de ce terme (un minimalisme aplati ? un indéterminisme paresseux ?), le réductionnisme de Ryoko Akama nous fournit un bel hommage au silence et à la diphonie (pour ne pas avoir osé parler de « la diphonie du silence »). L’électronique livre ses notes comme une bobine son fil, pareil pour la contrebasse (sur A Proposal – Four) et même chose pour le shô (la parenthèse me permet de noter que cet orgue à bouche a un son bien moins agressif que celui du melodica !).
Maintenant, s’il faut parler des deux pistes disctinctement, disons que la première est plus clairsemée et que l’on y entend le tac tac d’un métronome tandis que sur la seconde (I.Take) les instruments se disputent l’espace avec plus de constance. Ce qui ne m’empêchera pas de conclure que nous avons ici affaire à deux faces d’une même esthétique et qu’il est bien agréable de se laisser porter par elle.
Ryoko Akama, ko Ishikawa, Bruno Duplant : 2 Compositions
Meenna
Edition : 2016.
CD : 01/ A Proposal – Four 02/ I. Take
Pierre Cécile © Le son du grisli
Comme hier Radu Malfatti avec Cristián Alvear, Bruno Duplant dédie une de ses compositions à un guitariste qui l’interprètera. Sur Places & Fields, Denis Sorokin accompagne de longues notes permises par l’amplification, qui parfois frisent l’harmonique, et remplit des silences qui parfois lui tiennent tête. Il faudra néanmoins le renfort de grésillements sortis d’un poste de radio et de quelques arpèges pour qu’il parvienne à s’inscrire pleinement par le son. Si Places & Fields n’a peut-être pas la « force » des compositions de Malfatti, elle exprime néanmoins une même intention qui, chez Duplant, se précise.
Bruno Duplant : Places & Fields
B Boim
Edition : 2016.
CDR : 01/ Places & Fields
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Christian Marclay, EnsemBle baBel : Screen Play (Aussenraum, 2016)
On ne sera pas étonné de trouver une guitare électrique « au premier plan » de ce long ouvrage interprété par l’EnsemBle baBel. L’exécution de ces trois pièces (Screen Play, Shuffle et Graffiti Composition), désormais consignée sur deux vinyles, eut lieu récemment à Lausanne dans le cadre de la Nuit des Images, en présence de leur compositeur, Christian Marclay.
La guitare est celle d’Antonio Albanese, qui semble conduire les cinq musiciens de l’ensemble – avec lui Anne Gillot (flûtes, clarinette basse), Laurent Estoppey (saxophone), Noëlle Reymond (contrebasse) et Luc Müller (batterie) – face aux images du film muet qui sert de partition à Screen Play. Réagissant – et donc, avouons-le : improvisant – le groupe va de modules rythmiques en lentes séquences d’un désœuvrement que l’on qualifiera de « créatif » avant qu’un parasite né du souffle de Gillot renverse, avec brio, la composition.
En compagnie de Jacques Demierre (ici à l’épinette, mais qui jouait encore récemment, du même compositeur, Ephemera au piano), l’ensemble rend ensuite Graffiti Composition – on se souvient de la version de guitaristes de renom, il y a quelques années, pour le label Dog W/A Bone). En guise de directives, cent-cinquante photographies de partitions écrites (remplies) par « l’homme de la rue », à Berlin au milieu des années 1990 – au préalable, Marclay avait placardé dans la ville cinq milliers de partitions vierges. L’appel du vide fait œuvre, à l’ensemble de l’interpréter à sa manière : impressionniste ici, expressionniste plus loin – la guitare et le saxophone opposés à la frappe appuyée de Müller –, toujours déconcertante.
En quatrième et dernière face, c’est Shuffle, soit la lecture d’un jeu de soixante-quinze photographies de partitions / ready-made collectionnés par Marclay. Pour ce qui est des règles du jeu en question, aux musiciens d’en faire ce qu’ils veulent : hétéroclite – d’autant que ces règles semblent changer en cours de partie –, la pièce arrange atermoiements, affrontements (quand la guitare sature, la batterie peut trembler) et exercices de style (cette bossa dissonante ou ce free rock saisissant). Au son des flûtes étranges d’Anne Gillot, l’ensemble redit ici qu’il fait, lui aussi, bel et bien œuvre de création : en rendant hommage à l’originalité des partitions de Christian Marclay tout en s’en arrangeant avec superbe.
Christian Marclay, EnsemBle baBel : Screen Play
Aussenraum
Enregistrement : 24-25 avril 2016. Edition : 2016.
2 LP : A-B/ Screen Play (2005) – C/ Graffiti Composition (1996-2010) – D/ Shuffle (2007)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Christian Marclay, Okkyung Lee : Amalgam (Northern Spy, 2016)
Enregistré au printemps 2014 au Café Oto, c’est la rencontre d’un violoncelle et de platines – une dizaine d’années auparavant, c’était au Tonic de New York qu’Okkyung Lee et Christian Marclay avaient enregistré ensemble ce Rubbings consigné sur un des volumes de From the Earth to the Spheres, série de splits sur lesquels on trouvait à chaque fois My Cat Is An Alien.
En ouverture, c’est un vinyle retourné contre un archet qui gratte et même parfois coince. La suite rappellera le conseil donné par Marclay dans les notes de pochette qu’il signa pour Anicca, autre duo de Lee : « Beware, this is scarry stuff » – avant celui-ci, on trouvait la liste de sons étranges (noms pour la plupart tirés de verbes, donc d’actions) allant de « buzzing » à « whooping » ; après quoi, Marclay reconnaissait que les mots sont parfois pauvres pour décrire ce que peut receler un disque.
En français, on fera le même constat au son de ces crépitements et de ces boucles, de ces vrombissements et de ces glissades, de ces chuintements opposés à de beaux effets de pleurage, de ces rythmes incongrus que l’archet cherche presque aussitôt à enfouir, enfin de cet hymne branlant qui, au couple, servira d’impressionnante conclusion. Au temps d’Anicca, Marclay l’avait bel et bien saisi : la musique de Lee prend forme dans le verbe ; il ne lui restait qu’à suivre le mouvement.
Okkyung Lee, Christian Marclay : Amalgam
Northern Spy
Enregistrement : 25 avril 2014. Edition : 2016.
CD / LP / DL : 01/ Amalgam
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Thumbscrew : Convallaria (Cuneiform, 2016)
Emprisonnant le bruitisme à ras la corde (Cleome), Mary Halvorson ponctionne quelques rêches accords tandis que Michael Formanek et Tomas Fujiwara assurent / assument continuum et enveloppements. Du manque de chaleur et d’articulation parfois remarqué chez la guitariste, peu de traces ici. Une discrétion certes (les assauts soniques seront rares par la suite) mais, toujours, au service d’un acte collectif.
Ne déviant pas de la forme originelle – contrairement à leur premier enregistrement, Thumbscrew –, on trouvera ici souplesse et affirmation, conduite irréprochable du rythmicien Formanek, jeu sans crispation de Fujiwara, solos inspirés (Formanek encore). Soit la confirmation d’un trio sur qui l’on peut assurément compter.
Thumbscrew : Convallaria
Cuneiform / Orkhêstra International
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ Cleome 02/ Barn Fire Slum Brew 03/ Sampsonian Rhythms 04/ Trigger 05/ Screaming Piha 06/ Convallaria 07/ Tail of the Sad Dog 08/ The Cardinal & the Weathervane 09/ Dase insensé 10/ Spring Ahead 11/ Inevitable
Luc Bouquet © Le son du grisli
Alfredo Costa Monteiro : Trois replis de solitude et un oubli (Rhizome.s, 2016)
Alfredo Costa Monteiro parle, je crois, toutes les langues et il ne faut pas voir dans ce titre en français une coquetterie ni un impératif imposé par le label qui l’héberge – soit : un musicien sous ou derrière Rhizome.s, Bruno Duplant. Non, ce sont bien là trois replis (sixième, troisième et puis premier) suivis d’un oubli (du même nom).
C’est au son, surtout, de l’accordéon que le musicien dit de quoi retourne et les uns et l’autre : son instrument a parfois des airs de saxophone double, qui va et puis vient ; ses notes sont les mêmes ou quasiment les mêmes, qu’elles soient soufflées ou qu’elles soient aspirées. Mais entre deux souffles ou deux aspirations, c’est presque à chaque fois un jeu d’équilibre mis en difficulté : s’il réclame ici à Alfredo Costa Monteiro un aigu un peu plus haut, là le secours d’une cymbale qui résonne, le voilà malgré tout qui bascule. Mais, aussi, emporte la mise en plus de ces trois replis et de l’oubli qui leur est attaché.
Alfredo Costa Monteiro : Trois replis de solitude et un oubli
Rhizome.s
Edition : 2016.
CD-R : 01/ Sixième repli 02/ Troisième replis 03/ Premier replis 04/ Un oubli
Guillaume Belhomme © Le son du grisil