André O. Möller, Hans Eberhard Maldfield : In Memory of James Tenney (Wandelweiser, 2015)
Il y a une dizaine d’années, André O. Möller publiait son premier disque sous étiquette Wandelweiser : Blue/Dense, du nom d’une de ses compositions, beau jeu d’interférences entre les interprètes Erik Drescher (flûte basse) et Frank Eickhoff (live sampling). En 2007, c’était Eva-Maria Houben qui interprétait à l’orgue son Musik Für Orgel Und Eine(n) Tonsetzer(in).
Et puis plus rien, jusqu’à l’année dernière. Sous l’influence encore de son ouvrage pour orgue, Möller rendait hommage au compositeur James Tenney en compagnie d’Hans Eberhard Maldfeld. Tous deux à la trompette marine – on aurait pu imaginer un autre piano agacé de l’intérieur ou une harpe extraordinaire –, les musiciens y passent de rumeurs de cordes grêles en ronflements merveilleux et de paysages capables de tenir en une seule et unique seconde (one just second) en incommensurables zones de dépressions qui s’en nourrissent justement (expanding the universe).
C’est ainsi qu’In Memory of James Tenney ravira tout amateur de drone, et même : l’obligera à prêter l’oreille à des bourdons d’une autre trempe que ceux du commun. Portées par les oscillations, messes basses et cris de harpies s'y rejoignent en effet pour exprimer un même aveu : de force, monocorde et baroque.
André O. Möller, Hans Eberhard Maldfield : In Memory of James Tenney
Edition Wandelweiser
Enregistrement : 2007-2014. Edition : 2015.
CD : 01/ In Memory of James Tenney I (One Just Second) 02/ In Memory of James Tenney II (Expanding the Univers) 03/ In Memory of James Tenney III (Reprise) 04/ In Memory of James Tenney IV (When Eight Is Seven)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ute Wassermann, Birgit Ulher : Radio Tweet (Creative Sources, 2015)
Disons-le tout de go : il y a quelque chose qui me chiffonne (si ce n’est qui me refroidit) dans les travaux de bouche d’Ute Wassermann. Une folie douce mais fastoche, une expérimentation naïve, du filet de gorge déployée et, quand ce n’est pas ça, des appeaux qui sifflent trop haut pour moi.
Du coup, je ne sais pas si j’ai pu bien apprécier le travail de Birgit Ulher dans ce duo de femme savante et de femme trompette. La voix me laisse pantois, Françoise, et la Wesservocale a accaparé toute mon oreille. J’ai bien senti le souffle du cuivre sur ma nuque, un moment, ou les tressaillements des objets, de la radio et du speaker, mais le « tweet » m’a (quasi) assommé direct. Je dois donc bien l'avouer (comme mon goût pour les jeux de mots) : je n’ai pas l’Ute dans l’appeau.
Ute Wassermann, Birgit Ulher : Radio Tweet
Creative Sources / Metamkine
Enregistrement : 2 février 2012. Edition : 2015.
CD : 01/ Radio Tweet 02/ Frequency Shifting 03/ Demodulation 04/ Reflection 05/ Polarization 06/ Difraction 07/ Absorption 08/ Radio for Birds
Pierre Cécile © Le son du grisli
Steve Marcus : Count's Rock Band (Vortex, 1969)
Ce texte est extrait du premier des quatre fanzines Free Fight. Retrouvez l'intégrale Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié par les éditions Camion Blanc.
A l’époque on parlait de hard rock, de free jazz et de jazz-rock, mais pas encore de free rock. Symptomatique de ce qui se trame alors, ce que tente le saxophoniste Steve Marcus s’étiquette difficilement. Dans les notes de pochette de l’édition française de Count’s Rock Band (il existe deux pochettes : la française, en couleurs, créditant à tort Larry Coryell co-auteur de l’entreprise ; et l’anglo-saxonne, toute de noir et blanc), Patrice Blanc-Francard s’interroge sur le contenu, et parle de free rock : gageons en 2011 qu’il s’agit de tout autre chose, plutôt d’une cohabitation d’idiomes divers, sans aucune véritable fusion. Steve Marcus n’est pas Roberto Opalio de My Cat Is An Alien : il reste les pieds bien ancrés dans le jazz, le free et le rock, il les aborde à tour de rôle, de manière convaincante – et accessoirement datée. Qu’il ait dès lors convoqué le guitariste Larry Coryell et le batteur Bob Moses, fraîchement émoulus des Free Spirits aux préoccupations voisines, n’a rien d’étonnant.
Ensemble ils enregistrent donc Count’s Rock Band, fidèle à cet œcuménisme assumé, et dont la première face, bien plus que la seconde, vaut le détour. En ouverture « Theresa’s Blues » s’y impose en douze minutes denses et groovy se terminant en un free chaleureux précédant une reprise (très belle et habitée) du « Scarborough Fair » de Simon & Garfunkel, avant qu’un morceau de batterie en solo de trente-cinq secondes ne vienne bizarrement clore la face. On parle peu de Steve Marcus, comme de John Klemmer, de Jim Pepper, d'Azar Lawrence (que Larry Coryell a accompagné) ou de Steve Grossman : probablement parce qu’ils ne sont que de petits maîtres à l’œuvre assez mince et inégal. Sauf qu’en compagnie du guitariste Larry Coryell, alors encore marqué par Hendrix et au sommet de sa créativité (souvenons-nous de son étincelant solo de « Communications #9 » au sein du Jazz Composers Orchestra dirigé par Michael Mantler), Steve Marcus offre le meilleur, comme il le fit d’ailleurs en quartette aux côtés d’un guitariste encore plus explosif, Sonny Sharrock, sur l’excellent Green Line, en compagnie de la rythmique Miroslav Vitous / Daniel Humair. Count’s Rock Band est originellement sorti sur Vortex, sous-label d’Atlantic dirigé par le flûtiste Herbie Mann, chez qui on a justement pu entendre Larry Coryell et Sonny Sharrock ensemble le temps de Memphis Underground ; Herbie Mann également producteur du sulfureux It’s Not Up To Us de Byard Lancaster. Sur la pochette de The Lord’s Prayer, disque suivant de Steve Marcus pour le compte du même label, la photo ornant le recto est du jeune Larry Clark, pas encore cinéaste.
Michał Libera, Martin Küchen, Ralf Meinz : Tyto Alba. 13 Portraits of Melancholics, Birds and Their Co-Hearing (Bolt, 2015)
C’est le genre de disque difficile à présenter, ce qui ne m’empêchera de le faire, en reprenant à mon compte le terme de « sound essay » pour une oreille qui souffre. Maintenant, notons que c’est un travail littéraire de Michał Libera et que ce Michał Libera est accompagné par Martin Küchen & Ralf Meinz.
C’est le tic-tac du réveil qui prévient l’auditeur du commencement du projet. Une voix nous en parle en intro : c’est Libera, qui raconte sa vie, des souvenirs, on dirait… A un moment, un piano passe une queue puis arrivent des samples de classique, puis on nous parle d’acouphènes… Il y a des extraits d’œuvres signées de « maîtres » qui ont donné leurs noms aux plages du CD et le sax de Küchen qui tourbillonne parfois dans le coin.
Petit à petit la voix s’éloigne et un battement qui monte fait de cet éloignement un must de design sonore. Comme ça, on arrête de nous parler ? L’oreille (même sifflante) peut se laisser aller à la musique, une musique d’ambiance qui laisse rêveur (puisqu’on n’a pas tout compris, on peut toujours rêver). Tak, Michał !
Michał Libera, Martin Küchen & Ralf Meinz : Tyto Alba: 13 portraits of Melancholics, Birds and Their Co-Hearing
Bolt / Metamkine
Enregistrement : 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Michel Serres 02/ W.G. Sebald 03/ Philomela 04/ Max Ernst 05/ Alvin Lucier 06/ Giorgio Agamben 07/ Bedrich Smetana 08/ Andean Solitaire 09/ Auguste Rodin 10/ Tyto Alba 11/ Georges Perec 12/ Whilhelm Heinrich Dove 13/ Javier Marias
Pierre Cécile © Le son du grisli
Garrison Fewell, Gianni Mimmo : Flawless Dust (Long Song Records, 2016)
Sachant l’amour que Garrison Fewell portait à l’Italie, il fallait bien qu’un jour il croisât la route de Gianni Mimmo. Flawless Dust a été enregistré, par les soins de Stefano Ferrian, le 31 octobre 2014.
Neuf pièces improvisées pour tout Outcome – mais c’est ici l’Outcome d’un duo d’héritiers et non pas d’usurpateurs : Fewell et Mimmo, c’est d’ailleurs, tous les deux assumés, le geste d’avant celui de Derek Bailey et le souffle d’avant celui de Steve Lacy. Si le disque atteste parfois un goût ancien pour le bavardage (Mimmo, surtout, qui court souvent après la mélodie et s’y laisse parfois emporter), il réserve aussi quelques plages à des conversations plus réfléchies.
Le morceau-titre en est le meilleur exemple – qui rappelle, lui, la rencontre d’une autre guitare (celle de Billy Bauer) et d’un alto (celui de Lee Konitz) sur Inside Hi Fi –, dans les pas duquel Fewell invente : en milieu de demi-caisse, en taping et tout en retenue expressive. S’il pourra ici ou là passer pour accompagnateur, Fewell peut aussi retourner la situation le temps d’une miniature (Other Song) ou d’un dernier morceau de bravoure (Grainy Fabric). Alors, le geste d’avant celui de Bailey a beau jeu de se souvenir ; ce que le souffle d’après celui de Lacy atteste.
Garrison Fewell, Gianni Mimmo : Flawless Dust
Long Song Records
Enregistrement : 31 octobre 2014. Edition : 2016.
CD : 01/ Flawless Dust 02/ Song 03/ Coherent 04/ News from Beyond 05/ Struggente 06/ Other Song 07/ A Floating Caravan 08/ Other Chat 09/ Grainy Fabric
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Cécile & Jean-Luc Cappozzo : Soul Eyes (Fou, 2016)
A l’écoute des petits princes dont on parle tant dans les revues sur papier glacé (pas obligé, me direz-vous) me vient la détestation de ce jazz dénaturé et sans âme faisant loi aujourd’hui. Les vessies ne seront jamais des lanternes, faut-il encore le préciser ? A l’écoute de Soul Eyes, la joie revient. Comme si rien ne s’était perdu. Comme si la fibre du désir avait enfin retrouvé son passage.
La cause de ce désir existe par la grâce d’un père (Jean-Luc Cappozzo) et d’une fille (Cécile Cappozzo), soudés par sagesse et profondeur. Soudés par ce vieux jazz qui bouge encore, ce vieux jazz qui n’a pas dit son dernier mot. Ce vieux jazz qui résiste. Ces deux-là habitent l’horizon, s’écoutent, se rejoignent, se récréent. Et c'est magnifique.Et aussi bouleversant.
Il y a le blues des origines, ici subtilement réactivé. On détecte aussi du Satie (No More Tears). Normal, Mal Waldron ne l'a-t-il pas glorifié en son temps ? Car le répertoire de ce disque surfe entre les compositions du grand Mal et celles de Charles Mingus. Et cela se clame haut et fort. Pourquoi vouloir commenter / analyser ce qui est bouleversant ? The Seagulls of Kristiansund vient de s’inviter et je jette volontiers l’éponge.
Cécile & Jean-Luc Cappozzo : Soul Eyes
Fou Records
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ No More Tears – Goodbye Pork Pie Hat – Nostalgia in Time Square 02/ Soul Eyes – Pithecanthropus Erectus 03/ The Seagulls of Kristiansund
Luc Bouquet © Le son du grisli
Ryoko Akama, Cristián Alvear : Hermit (Caduc, 2015) / Greg Stuart, Ryoko Akama : Kotoba Koukan (Lengua de Lava, 2015)
Spécialement écrite pour Cristián Alvear – la preuve ici : « une pièce que Ryoko Akama a écrite pour moi » –, Hermit dévoile les intérêts d’une jeune compositrice qui, en quelques mois, a beaucoup publié.
A l’intérieur du bel objet Caduc, on peut lire une poignée de mots que l’on devine extraits de la partition ou de ses didascalies : « sound », « decay », « silence », « repeat once or two times», « short », « soft », « long and almost inaudible », etc. Ailleurs, c’est presque une devise : « What I miss most is somewhere between quiet and solitude. What I miss most is stillness ».
L’intention d’Alvear respectera la devise quand les indications de la compositrice orienteront les gestes d’un interprète doué pour la mesure. C’est là une ballade ralentie voire étouffée – encore Cage, encore Feldman ? – jusqu’à ce que le guitariste ait affaire à son propre souvenir (en fait : un écho) : une note tenue qu’une corde pincée calque, une même note jouée sur deux cordes différentes, un silence que la rosace aspire… L’ermite en question était donc double : Cristián Alvear, l’interprète qui agit, et Ryoko Akama, la compositrice dont l’idée court, s’y sont accordés.
Ryoko Akama, Cristián Alvear : Hermit
Caduc
Edition : 2015.
CD : 01/ Hermit
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Avec Greg Stuart – qui, sur le même label, sortait il y a peu Hamess –, Ryoko Akama travaille son goût pour les machines qui respirent, grincent et sifflent, mais ne s’interdisent pas de s’entendre avec un instrument traditionnel (un piano minuscule, par exemple). Mais Kotoba Koukan est plus encore une affaire de drones – L'écoute virtuose nous avait révélé l'intérêt que Ryoko Akama porte à l'oeuvre d'Eliane Radigue –, simples ou doubles, de remuements sur frêles embarcations et d’équilibre finement trouvé : la dernière pièce, Fade In and Out Procedure, est d’ailleurs le plus beau moment de ce jeu de patience.
Greg Stuart, Ryoko Akama : Kotoba Koukan
Lengua de Lava
Edition : 2015.
CD : 01/ E.A.C.D. 02/ Con.de.structuring 03/ Border Ballad 04/ Fade In and Out Procedure
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Hamitic Myth : Merciless Logic (Under, 2015)
Je dois bien avouer qu’il m’a fallu retourner la cassette pour pouvoir l’être aussi (retourné). Mais j’ai à ce moment précis oublié ce grand-œuvre de drone-synthé-genre-goth-factice (un peu) à la Barn Owl en touffu étouffé.
Car sur la B (de face), c’est là que le groupe du nom d’Hamitic Myth (le duo Giels Bils / Pol Vanlaer) a décidé de frapper fort = de sprayiser son ambient dark à pulsations profondes et variations ultrasensibles. Alors là, oui, Hamitic : je prends et j’adoube : le Myth y est.
Hamitic Myth : Merciless Logic
Under
Edition : 2015
Cassette : Merciless Logic
Pierre Cécile © Le son du grisli
LDP 2015 : Carnet de route #44
C'est à Poitiers qu'Urs Leimgruber, Jacques Demierre et, malheureusement par procuration, Barre Phillips, terminaient l'année 2015 et, avec elle, Listening, longue tournée qui chanta les quinze ans de leur trio, ldp. Si les quarante-quatre stations de leur odyssée peuvent être lues et relues au son du grisli, leur carnet de route polyglotte paraîtra, dans une édition revue voire corrigée, en avril aux éditions Lenka lente – le livre peut d'ores et déjà être précommandé à cette adresse. Merci à Urs Leimgruber, Jacques Demierre et Barre Phillips, et longue vie au trio ldp dont nous ne manquerons pas de fêter les 20 ans en 2020 !
11 décembre, Poitiers
Carré Bleu
“Hey guys – Operation & everything going fine. I’m still in the hospital but hopefully will get out tomorrow, XOXOX“... “Good boy, Barre. We are with you to play the final concert!“
Love, Urs... “Yes, yes – Waves of sound!”
Heute ist Barre im Spital in Toulon, ihm sind die Lymphknoten am Hals operiert worden.
Wir sind froh, dass die Intervention offensichtlich gut verlaufen ist. Die Stimmung im Saal steigert sich. Es kommen viele junge und alte Leute – Liebhaber der freien Improvisation. Einige kommen von weit her, eineinhalb Stunden Fahrtzeit zum Konzert Jazz à Poitiers Carré Bleu ist ein langer Weg. Der historische Ort für Jazz und improvisierte Musik wurde vor siebzehn Jahren von Bernard Prouteau gegründet und anschließend von Matthieu Périnaud und seinem Team weitergeführt.
« Jazz à Poitiers. Jazz donc, mais pas que. Ou en tout cas dans ses formes les plus contemporaines. Ce qui s’invente aujourd’hui dans les champs jazzistiques et ses nombreux affluents. Mais aussi, et surtout, musiques improvisées. Et toutes les esthétiques connexes qu’une telle pratique peut irriguer. Free, noise, contemporain, rock, électro... Et au-delà des étiquettes, la volonté depuis 1997 de présenter au public des artistes et des pratiques trop souvent boudés par les médias. Soyez curieux ! »
Ich beginne aus dem Nichts und spiele geräuschhaft das Sopran. Kontinuierlich in und out.
Multiphonisch und rhythmisch abstrakt, mit Luft gegen den Ton, flatternd und mit Slaps, hoch und tief, lang und kurz, leise und laut, hart und weich und mit natürlichen feedbacks... die Improvisation entsteht, indem sie entsteht. Ein Bogen von fünfzehn Minuten, solo.
Jacques schließt an. Heute steht ihm ein Steinway & Sons, D, 501760 zur Verfügung. Sheets, waves and beats of sound auf der Klaviatur, sowie im Innern des Instruments. Er spielt mit seinen Händen auf den Tasten und mit den Saiten im Innern des langen Flügels extensive Glissandi. Klänge werden zum Objekt. Sein Spiel ist extrem dynamisch, rhythmisch, atonal, eruptiv und grenzenlos. Es spielt ein ganzes Orchester, kraftvoll und radikal. Am Schluss spielt er plötzlich eine kurze Melodie, dann folgt Stille – und ein tiefer, dumpfer Ton klingt aus... Barre solo, auf Video aufgenommen in der Chapel St. Philomène, erzählt, wie er als Kind den Klang und den Raum für Freiheit entdeckte, wie er den Kontrabass kennenlernte und wie Musik zu seinem Lebensinhalt wurde. Anschließend folgt ein Ausschnitt von einem Solokonzert im Porgy & Bess in Wien. Zum Schluss beginnen Jacques und ich, während eines längeren crossfade zusammen mit Barre und im Geist des Trios zu spielen, extensiv bis zum Ausklang.
Das Konzert im Carré Bleu ist unser letztes der Jubiläums-Tour. Wir blicken und hören auf ein ereignisvolles Jahr zurück. Das lange Stück ohne Anfang ist noch lange nicht zu Ende.
U.L.
En solo ce soir, pour un temps, face à un STEINWAY & SONS, un STEINWAY & SONS modèle D plus précisément, arborant le numéro 501760. En solo et jouant le dernier piano à queue du dernier concert de la tournée LISTENING : fin du Carnet de route – nous le savions, le cadre avait été donné – mais continuation intense et intime du ldp spirit. Pour autant, pas de grand soir révolutionnaire, presque rien de spécial, ou plutôt, au contraire, je dirais que tout est spécial, comme à chaque fois où la balle est remise en jeu et où l'urgence de l'expérience nous engage ensuite à réfléchir et à préciser notre pensée. En solo, justement, chaque moment de jeu relève de l'exception et est remarquable d'unicité. En solo, à chaque instant joué, le rapport entre l'action sonore et celui ou celle qui la produit se trouve modifié. En solo, toujours, à chaque performance est questionnée la connaissance de la situation qu'offre la pratique du sonore. Il faut sans cesse préciser son propre geste, le rythmer, lui trouver sa propre économie, en solo, afin d'épouser le flux des modifications continuelles. Tout comme la perception de la vie elle-même que chacun aiguise et épure en voulant unifier les différents chemins, ceux du corps et de l'esprit confondus, conduisant les actions sonores. En solo, enfin, pour donner corps aux sons, manière de recréer le monde à petite échelle, la division et l'éparpillement sont évités et, au moment de jouer, il y a actualisation, dans un mouvement unificateur, de ce qui devient forme de la réalité. Et c'est de l'intérieur, dans l'action même et dans une circulation corporelle recomposée et naturellement agissante, que jaillissent spontanément les sons.
J.D.
Photos : Jacques Demierre
> LIRE L’INTÉGRALITÉ DU CARNET DE ROUTE
Ugo Boscain, Fred Marty : Estasi (Creative Sources, 2015)
Ugo Boscain (clarinette contrebasse) & Fred Marty (contrebasse) : l’alliage des graves. Fondations solides. Résistent aux secousses sismiques. Soubresauts d’archet et lignes claires des deux. Tout est affaire de contrebasse : en cordes ou en anches. Peurs ancestrales et cavernes résonantes. Cérémonie joyeuse pourtant.
Ugo Boscain & Fred Marty : cherchent l’écho des silences. Raclent et raclent encore. Effraient l’unisson. Réfléchissent l’espace (église de Gauriac, Gironde). Exhalent. Ugo Boscain & Fred Marty : larges voiles. Chant profond des entrailles souterraines. Sauvages jusque dans la tendresse. Marche dodécaphonique. Jeu(x) se découvrant peu à peu. Ugo Boscain & Fred Marty : ne mentent jamais.
Ugo Boscain, Fred Marty : Estasi
Creative Sources / Metamkine
Enregistrement : 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Orgasmo non apofantico 02/ Spazio in attesta 03/ Materia obscura 04/ L’amore dodecafonico 05/ La nascita del grido
Luc Bouquet © Le son du grisli