Katsura Yamauchi : Asami (Jvtlandt, 2010)
Sur Asami, le saxophoniste Katsura Yamauchi sert en concert un projet personnel appelé Salmo Sax. Aussi bien seul qu’accompagné (Chiharu Mizukawa, Kota Furusawa, Shiori Teshima, Yoshiomi Shuto, Yuka Takemoto, tous instrumentistes amateurs élevés en Yamauchi workshop).
Seul, Yamauchi dépose des couches de notes longues et vibrantes, sert deux compositions flottantes qui, malgré le déséquilibre créé par quelques portions joliment perturbées, sont autant de modèles de proportion et de plénitude. Improvisant, il gonfle ses graves de silences imposants, combinaison qui le soulève.
A la tête du Salmosax Ensemble, Yamauchi gère en intimidé d’innocentes interférences et s’en sort pour savoir accorder inspiration et sang froid. Un peu plus loin, de minces constructions rappellent, toutes proportions gardées, les courte-échelles du World Saxophone Quartet et les obsessions inconsolables du ROVA. Certes moins vaillant accompagné que seul, mais ce ne semble être qu’une question de réglages.
Katsura Yamauchi : Asami (Jvtlandt)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.
CD : 01/ Chikushi 02/ Hi 03/ Improvisation 04/ Shijima 05/ Shizuku 06/ Duck 07/ Who? 08/ Far East 09/ Kage Ballad
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Interview de Simon Whetham
Artiste sonore qu'inspirent les field recordings (disques publiés sous étiquettes Gruenrekorder, Entr’acte, Touch…), Simon Whetham publie ces jours-ci sur Dragon’s Eye Recordings Prayers Unheard, récit sonore et réinvention d’un récent séjour à Cracovie. Intéressant au point de le passer à la question…
Quels ont été vos débuts en musique ? Eh bien à 18 ans, j’ai commencé à jouer de la batterie, ensuite de la guitare parce que je tenais à écrire des chansons. J’ai joué de la guitare pendant une vingtaine d’années et j'ai fait partie de nombreux groupes mais à la longue ça m’a un peu fatigué, j’étouffais au sein d’un groupe… Je voulais aussi faire quelque chose de plus abstrait, sans rythme défini, sans mélodie, même si je ne savais pas par où commencer jusqu’à ce que je découvre le field recording.
Comment présenteriez-vous Prayers Unheard ? Quelle place a ce disque dans votre discographie ? Je pense que Prayers Unheard est un disque important pour moi dans la mesure où j’ai, en plus des field recordings, utilisé pour la première fois des signaux radio captés dans un endroit spécifique comme matériau brut pour mes compositions. Après avoir composé Lightyears, une commande qui m’avait été faite et dans laquelle j’utilisais presque exclusivement des éléments musicaux, j’ai commencé à réfléchir aux ondes radio qui nous assaillent sans arrêt et à leurs conséquences dans le même temps que j’élaborais des sons à partir de microphones. Ces vibrations nous atteignent très subtilement et il est possible de se servir de celles-ci si tant est qu’on possède le matériel adéquat, les amplifier, les décoder… Prayers Unheard m’a aussi fait me rendre compte combien mes propres réactions, mes émotions à un environnement, avaient un effet sur mon travail. Il ne s’agit pas de transposer sur disque un enregistrement de sons venus d’une rue de Cracovie mais plutôt de créer une musique qui soit directement en lien avec Cracovie et aussi le fruit de mon expérience personnelle, dans laquelle trouver ma façon de voir les choses et mes émotions.
En écoutant ce disque, j’ai parfois pensé à Gershwin et d’autres fois à Gavin Bryars… L’un et l’autre sont-ils des influences ? Je ne connais pas bien Gershwin, mais ce que je sais de lui a ce même caractère émotionnel ; quant à ma connaissance de Bryars, elle est très approximative. J’ai du mal à me sentir concerné par certains de ses travaux, comme si je n’arrivais pas à les comprendre, comme s’il me fallait rechercher le pourquoi de chacune de ses propositions… J’espère que mon propre travail ne demande pas ce genre de contexte ou d’arrière plan… Pour ce qui est de mes influences, c’est un sujet délicat pour moi étant donné que j’essaye de laisser le matériau donner forme à mon travail… J’ai pu aborder quelques pièces en pensant « tiens, j’aimerais être assez silencieux ici, ou minimale », mais une fois que tu commences à travailler avec les sons, ça devient à chaque fois totalement différent !
Comment alors avez-vous « rencontré » le field recording ? J’ai dû lire quelque chose à son sujet sur le site internet Epitonic. Le terme m’a intéressé alors que j’étais sur le point de rejoindre trois artistes visuels à l’occasion d’un voyage de recherche en Islande. Ils partaient avec des caméras pour collecter du matériau pour leurs travaux et ça m’a parlé, en tant que musicien, de faire de même avec des sons. J’avais alors un lecteur / enregistreur minidisc, un pré-ampli externe et un micro AKG : je me suis mis à grimper près de cascades, de glaciers et sur des baleiniers, afin de collecter tous ces sons… La première idée était d’utiliser ces enregistrements comme point de départ pour des compositions d’ambient, mais après avoir écouté ce que j’avais enregistré – à l’époque, je ne vérifiais même pas ce que j’étais en train d’enregistrer – j’ai compris que ces sons formaient la bande-son idéale de mon voyage, de ces expériences. J’ai à cette époque aussi découvert le Weather Report de Chris Watson dans une boutique de disques de Reykjavik, 12 Tonar, ainsi que des enregistrements de Lawrence English dont je n’avais jamais entendu parler jusque-là. Des enregistrements environnements sur CD ! Ca a été un grand tournant dans ma vie !
Qu’est-ce que pourraient réussir à dire les field recordings que ne pourraient pas dire d’autres formes d’instruments ? Pour moi, j’aime avant toute chose la chasse aux sons – sortir dans un endroit avec plusieurs types de micros et voir ce que je peux y trouver. J’aime aussi beaucoup l’inattendu – tu peux penser qu’approcher un micro d’un certain type d’objet créera un son incroyable, et puis rien… Alors, tu vas voir un autre objet, près du premier, et là tu entends un son complètement fou que personne d’autre que toi ne peut entendre à ce moment précis. Cela me fait souvent sourire, et même parfois rire aux éclats !
Sur votre site internet, vous parlez de « Sound Model Making Design »… Mon site parle de mes trois champs d’action, même si je m’occupe moins de design ces temps-ci. Je suis aussi maquettiste, mais ma pratique sonore est ma véritable passion.
Vous travaillez aussi en collaboration avec des artistes à l’occasion d’installations… Votre approche musicale est-elle différente dans cette optique ? J’ai en effet beaucoup travaillé avec des artistes, et la liste s’allonge sans cesse. J’ai une exposition itinérante qui s’appelle Active Crossover et qui m’a permis de collaborer avec Douglas Benford, Iris Garrelfs, Paul Khimasia Morgan, Charlie Romijn, Michael Blow, Felicity Ford, KIWA, Maksim Shentelev, Andi Chapple, Rowan Forestier-Walker, Dominic Lash, Sound Meccano, Cheapmachines, Martin Franklin, Ian Murphy, Toomas Thetloff, Jonathan Coleclough, John Grzinich, Dylan Nyoukis, Alexander Thomas, Mark Durgan, Joined By Wire, Shawn Pinchbeck, Jez riley French, Daniel Jones, Colin Potter et Joseph Young… Ce projet présente l’état actuel de mon travail, mes réactions aux différents endroits où il a été monté ainsi que mes diverses collaborations. L’exposition est faite de telle sorte que vous pouvez soit écouter mon travail isolément, soit vous focaliser sur celui des artistes invités ou encore voir ce que donne la rencontre des deux dans un troisième espace, ces créations qui évoluent sans cesse.
Vous avez écrit : Dans mon travail, j’essaye d’amener l’auditeur à faire attention à des sons que l’on ne remarque pas d’habitude. En tant qu’amateur de sons, quelle votre idée du silence ? Je ne suis pas sûr que cette chose existe…. Et c’est tant mieux !
Simon Whetham, mars 2011.
Héctor Cabrero @ Le son du grisli
Stuart Sweeney : 16:9 (Oomff, 2010)
Des nombreuses – du moins, on l’imagine – heures passées à explorer les bruits et atmosphères de la campagne anglaise de son Northamponshire d’élection, Stuart Sweeney a recueilli la quintessence naturaliste des sons, qu’il a ensuite incorporés dans des compositions électroacoustiques qu’on verrait très bien du côté de Taylor Deupree et son label 12K.
Tantôt vrombissant tel du GAS, un net degré d’inspiration en moins, tantôt élégiaque à la façon de Chihei Hatakeyama, son dévolu appesanti sur les field recordings manque singulièrement d’impact et de finesse. Tentant d’atteindre la plénitude néo-classique d’un Marsen Jules, son approche bourdonnante évoque même… U2 quand les variations gravissimes du morceau-titre renvoient à la ligne de Where The Streets Have No Name de The Edge & co. Toutefois, le constat mérite plus de nuances. En raison, notamment, de la belle aptitude de son auteur à insérer des lignes venteuses tournoyantes et obsédantes (Impressions Of A Golden Age) – tout comme la précision des envolées blanchâtres de Kaiyu-Shiki évoque très subtilement le superbe Hau du duo (forcément) nippon Opitope. Suffisant ?
Stuart Sweeney : 16:9 (Oomff)
Edition : 2010.
CD : 01/ Where The Shores Meet (16:9 Version) 02/ The Fire Within 03/ 16:9 04/ Impressions Of A Golden Age 05/ Ascension 06/ Kaiyu-Shiki 07/ Gold And Red 08/ A Time Of Change 09/ Fantasia For A Storm 10/ Memories Lost 11/ Tallinn (Excerpt) 12/ Cherry Blossom Falls
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli
Weasel Walter, Mary Halvorson, Peter Evans : Electric Fruit (Thirsty Ear, 2011)
D’une improvisation qu’ils ont voulu sans appui ni pivot, sans centre ni périphérie, on pourrait craindre de Weasel Walter (batterie), Mary Halvorson (guitare) et Peter Evans (trompette) – puisque tous trois choisissent ici le chemin de l’énergie brute – un rapide essoufflement. Soit tout lâcher d’un coup et réitérer les formules à l’infini d’une improvisation seulement sportive.
L’écueil est rondement évité ici grâce à un investissement maximum : l’écoute n’est pas d’esclavage et la liberté rode. D’une tension à l’autre, tous les trois savent que la forme qui vient d’apparaître sera éphémère. Ainsi, nous les entendons propulser leurs venins avec la vivacité des premières et dernières fois. L’irréfléchi est leur domaine et ils s’y trouvent bien. Nous aussi, même pas meurtris par cette décapante bourrasque.
Weasel Walter, Mary Halvorson, Peter Evans : Electric Fruit (Thirsty Ear / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2009. Edition : 2011.
CD : 01/ Mangosteen 3000 A.D. 02/ The Stench of Cyber-Durian 03/ The Pseudocard Walks Among vs 04/ Scuppernong Malfunction 05/ Yantok Salak Kapok 06/ Metallic Dragon Fruit
Luc Bouquet © Le son du grisli
Sam Pluta, Peter Evans, Jim Altieri : Sum and Difference (Carrier, 2011)
Au contact de Peter Evans (trompettiste dont il intègre régulièrement le quintette) et de Jim Altieri (violoniste qu’il côtoie en Glissando Bin Laden),Sam Pluta (laptop) élaborait Sum and Difference : six pièces improvisées d’une électronique acoustophage.
La musique, en conséquence, joue les remontées, découpe souffles et archets pour les ré-agencer l’instant d’après et fomenter un langage démonté en conséquences. Passés à la moulinette interactive, violon et trompette rendent couches après couches des râles de noise abstraite. Sous l’égide de parents forcés – Terry Riley du Music for the Gift et Birgit Ulher précipitée –, Pluta compose un ouvrage d’électroacoustique vif et intelligent.
Sam Pluta, Peter Evans, Jim Altieri : Sum and Difference (Carrier Records)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Fusion 02/ Diffusion 03/ Sum and Difference A 04/ Analysis Resynthesis 05/ The Long Line 06/ Sum and Difference B
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Simon Whetham : Prayers Unheard (Dragon's Eye, 2011)
Il arrive aux disques de faire l’effet de villes ou de quartiers qui plaisent alors qu’on ne s’y attendait pas. On était venu là on ne sait pourquoi et nous voici sous le charme d’une rue, d’une façade, d’un bâtiment quelconque. C’est l’effet que fait Prayers Unheard de Simon Whetham, un artiste sonore anglais qui s’est amouraché des field recordings.
Grâce à eux, il raconte ce qu’il a vu ou ressenti à l’occasion d’une promenade. Ici, c’est Kazimierz, l’ancien quartier juif de Cracovie. Ici, c’est Prayers Unheard & ici l’abstraction est totale et belle à ce point qu’on en sort convaincu qu’une grande symphonie peut être abstraite. Comme si Gavin Bryars interprétait minimalement le Jüdische Chronik de Chostakovitch. Ces chants sont dramatiques parce que ravagés par l’espoir dans le même temps qu’ils sont voués à se taire.
Prayers Unheard quant à elles vous montent à la gorge à force de tocsins étouffés, de vents et d’aigus électroniques. Une oppression qui chavire, un violon lointain qui vous rappelle que le chant des oiseaux (que l’on entend aussi) n’est pas le plus courageux de tous. Est-ce maintenant un bout de Stormy Weather qui s’infiltre avant que des pas vous ramènent à votre point de départ : celui à partir duquel vous avez commencé à découvrir le Monde. Celui que vous retrouverez pour renouer avec votre innocence.
Simon Whetham : Prayers Unheard (Dragon’s Eye Recordings)
Edition : 2011.
CD : 01/ Part First (An Uncertain Distance) 02/ Part Second (Paths, Crossing) 03/ Part Third (The Chamber)
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Kikuchi Yukinori, Ishigami Kazuya, Miyazaki Testsuya : Luminous (Neus-318, 2010)
Non, Luminous n’est pas un enième groupe de rock catho, mais un split-CD que se partagent Kikuchi Yukinori, Ishigami Kazuya et Miyazaki Testsuya – il faut croire que la forte densité des villes nippones s’est propagé au « monde » du disque !
Nos messieurs donnent tous dans la musique électronique mais de façons bien différentes. Le premier (sur les sept premières plages) en défendant une musique un brin déjantée qui ferait penser à un Kieran Hebden plus expérimental que de coutume (moins occidental, donc). Pendant vingt minutes, Ishigami Kazuya joue quant à lui de tous les bruits que peut générer son matériel électronique : moins identifiable, son noise est le plus gentil des noise, c’est-à-dire sans doute le moins agressif. Enfin, Miyazaki Tetsuya impressionne, lui, sur deux pistes, avec des basses tonitruantes et des sifflements qui semblent tomber de l’orage dont il utilise le grondement. Sans savoir ce qui rapproche vraiment les trois musiciens, on tentera de parler d’ « obscure clarté » ou de « lumière sombre ». Déjà pas mal.
Kikuchi Yukinori, Ishigami Kazuya, Miyazaki Testsuya : Luminous (Neus-318 / Souffle Continu)
Edition : 2010.
CD : 01-07/ Kukichi Yukinori : Crystal / Toma / Cold / Old Man With Birds / Japanese Movie / Pain / Element of Violence 08/ Ishigami Kazuya : East Asian Delusion 09-10/ Miyazaki Tetsuya : The Death of Ordinary Salaried Worker / The Second Death of Ordinary Salaried Worker
Pierre Cécile © Le son du grisli
Sonic Youth : Simon Werner a disparu... (SYR, 2010)
Ne pas avoir vu Simon Werner a disparu…, le film (on imagine le french ersatz d’une production Larry Clark vs Gus Van Sant – mais ce n’est qu’une supposition), n’empêche pas qu’on s’intéresse à Simon Werner a disparu…, le disque, puisque Sonic Youth en est l’auteur.
Et cette bande-son, malgré ses « défauts » illustratifs, se laisse écouter. Bien sûr, les ficelles / cordes sont grosses et le groupe fait tourner ses manies (improvisations dissono-suffisantes, gimmicks accrocheurs, accords efficaces, harmoniques et boucles / sur-boucles / sur-sur-boucles, ou encore l’habitude de Steve Shelley de rattraper par le col les improvisateurs trop zélés que sont parfois ses partenaires).
Rien de neuf (peut-être ces traits tirés de Krautrock qui rappellent de temps à autre le son de CAN, et Soundtracks justement) mais rien de mal, sauf peut-être une inquiétude : dans la masse discographique de SY, ce disque pourrait bien disparaître aussi…
Sonic Youth : Simon Werner a disparu (SYR)
Enregistrement : février-mars 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Thème de Jérémie 02/ Alice et Simon 03/ Les anges au piano 04/ Chez Yves (Alice et Clara) 05/ Jean-Baptise à la fenêtre 06/ Thème de Laetitia 07/ Escapades 08/ La cabane au zodiac 09/ Dans les bois / M. Rabier 10/ Jean-Baptiste et Laetitia 11/ Thème de Simon 12/ Au café 13/ Thème d’Alice
Pierre Cécile © Le son du grisli
Pierre Favre : Le voyage (Intakt, 2010)
Soit quatre saxophonistes (Beat Hofstetter, Sascha Armbruster, Andrea Formenti, Beat Kappeler), un tromboniste (Samuel Blaser), un clarinettiste (Claudio Puntin), deux bassistes (Wolfgang Zwiauer, Bänz Oster) et un guitariste (Philipp Schaufelberger) assistant ici Pierre Favre en son doux voyage.
Souffles à contre-jour ou en contre-chants, souffles tissant l’unisson ici et empruntant le contrepoint ailleurs, suave souffle d’un lunaire trombone face à l’armada solaire du percussionniste (As Far As That Goes) ; tous ces souffles sont des souffles d’unions et de largesses.
Toujours claires et sensibles, les textures de Pierre Favre, de l’éveil à la lumière, bénéficient d’une guitare-guide, tantôt vive et nerveuse, tantôt arpégeante de douceur. Et cette douceur, sans zone d’ombres et sans crépuscule défait, n’est pas pour rien dans le charme vivifiant de ce solaire voyage.
Pierre Favre Ensemble : Le voyage (Intakt / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2010.
CD : 01/ Les vilains 02/ Vreneli ab em guggisberg 03/ One for Makaya 04/ Akimbo 05/ As Far As That Goes 06/ Anapana 07/ Attila es-tu là ? 08/ Wrong Name
Luc Bouquet © Le son du grisli
Angelicá Castelló : Bestiario (Mosz, 2011)
Installée à Vienne depuis une dizaine d’années, la Mexicaine Angelicá Castelló s’est fait un nom comme citoyenne du monde (elle a vécu à Montréal et Amsterdam), mais surtout en tant qu’organisatrice de la série de concertsNeue Musik in St. Ruprecht – pour l’anecdote, la plus ancienne église romane de la capitale autrichienne. Mettant à l’affiche Nono ou Scelsi aux côtés de membres vénérés de la scène locale (Kai Fagaschinski ou Billy Roisz), la musicienne de Mexico City a multiplié les points de chute, entre multiples collaborations et œuvres solo – dont le présent Bestario, d’un intérêt saisissant au-delà de la réserve d’introduction.
Il est en effet bon de ne pas arrêter son chemin aux trompeuses apparences des premiers instants. Ces temps initiaux, des pizzicati pêchés parmi les moins intéressants (euphémisme) ducôté de chez Dimitri Chostakovitch embaumés dans une brume fenneszienne laissent heureusement rapidement place au meilleur – de tout haut niveau. Tirant ses envies tant du côté du très remarquable Giuseppe Ielasi que de l’ivresse bricolée des comparses de label Rdeča Raketa, le bestiaire de l’artiste mexicaine engrange les troubles auditifs – émiettés pour mieux renaître de leur apparente désorganisation.
N’hésitant jamais, ou si peu, à déconstruire un argot du bruit nettement plus viennois (au sens Editions Mego du terme) que catalan – encore que le troisième morceau Lima emprunte un sample d’une radio francophone (France Culture ?), Castelló appuie sur les envies bruitistes, noyées dans un magma sonore où s’affrontent Jefre Cantu-Ledesma et l’ensemble Zeitkratzer rejoint par Keiji Haino (l’admirable Ksenia). Rapprochant l’univers du classique contemporain à celui des musiques électroniques abstraites (à l’instar de son activité de programmatrice déjà citée), Angelicá Castelló termine son œuvre sur un formidable morceau de bravoure, quelque part près d’un György Ligeti déambulant dans une ruche infatigable captée un soir de grande chaleur par Jana Winderen revenant d’un concert de Colleen. Geil !
Angelicá Castelló : Bestiario (Mosz)
Edition : 2011.
CD : 01/ Krikaya 02/ La Fontaine 1 03/ Lima 04/ Ksenia 05/ La Fontaine 2 06/ Louise 07/ Tombeau
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli