Manuel Mota, Giovanni Di Domenico, Tatsuhisa Yamamoto : November 16, 2014 (SoundShots, 2015)
Au Fender Rhodes, Giovanni Di Domenico s’acharne à démembrer la membrane de nos haut-parleurs. Ajoutant du grave au grave, il fait très fort dans l’oscillation assassine. A la guitare, Manuel Mota égrène de laconiques phrasés avant d’exhorter quelque assoiffé ferraillage. A la batterie, Tatsuhisa Yamamoto observe, scrute puis foudroie peaux et métaux.
A eux trois, ils revendiquent la psyché des seventies (le Miles électrique, Soft Machine, Pink Floyd) et abordent trois montées tentaculaires. Au-delà de la secousse sismique fortement ressentie – et de la fragilité de sa dislocation –, ils œuvrent dans l’attente, questionnent la gravité, accueillent la marge. Bref, vibrent de leur sensibilité brisée.
Manuel Mota, Giovanni Di Domenico, Tatsuhisa Yamaoto : November 16, 2014
SoundShots
Enregistrement : 16 novembre 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ November 16, 2014
Luc Bouquet © Le son du grisli
Sourdure : La virée (Tanzprocesz / Astruc, 2015)
Pour présenter vite et bien (autant que faire se peut) Sourdure on dira que Sourdure c’est Ernest Bergez et qu’Ernest Bergez fait (bien) normalement de la musique électrique dans le duo Kaumwald (enchanté). Ce qui ne m’a pas empêché d’écouter son Sourdure de disque qu’est La virée.
Avec des invités (Jacques Puech, El-g, Karelle, Françoise et Michel Tournilhac, Laura Mentik + l’intéressante Clémence Cognet à la voix), Bergez fait sien un répertoire de chansons traditionnelles avec de drôles de voix, des instruments exotiques (genre gambri, cornemuse…) et des inserts d’électrobidouille. Le mélange est détonnant, surtout sur les trois premiers titres où l’on croirait entendre une fiction sonore virant psychédélique où se croiseraient Oum Khalthoum, Ghédalia Tazartès, Burger & Cadiot, les Fabulous Trobadors et Ramuntcho Matta.
Malgré sa cradélectro fastoche et ses samples de base, Sourdure tient le cap sur trois pistes. Mais au-delà, il s’écoute et c’est dommage : à force de se la jouer bizarre on n’en est que plus normal, et l’anormalité qui faisait le sel des trois premiers titres a fini par se gâter. On retiendra quand même les chants du départ de La virée, en attendant la prochaine.
Sourdure : La virée
tanzprocesz / Astruc
Edition : 2015.
CD : 01/ Bonsoir belle bergère 02/ Joana d’aime – lo mes de mai lo mes d’abrieu 03/ Quand io zere chas ma maïre 04/ Marion dins son jardin 05/ Les quinze segments 06/ L’ergot-loupe 07/ Retirez-vous gens de la noce/La genta nóvia 08/ Jésus s’habille en pauvre – l’assona fantauma 09/ Pour aller voir Virginie 10/ Dans le ventre de la maison huileuse
Pierre Cécile © Le son du grisli
Sourdure est à l'affiche du festival Sonic Protest, qui se déroulera à Paris, Montreuil et ailleurs, du 2 au 15 avril. Le 6, il jouera à l'église Saint-Merry avec Ellen Fullman et William Basinski.
Tom Prehn Quartet : Axiom (Corbett vs. Dempsey, 2015)
Le vent (chaud) que soufflèrent Albert Ayler et Cecil Taylor sur la Scandinavie au début des années 1960 eut quelque répercussion sur la faune musicale de l’endroit. Au Danemark, c’est le pianiste Tom Prehn qui le prouve.
Fin 1963, quelques mois à peine après avoir constitué son propre quartette, Prehn enregistrait pour le label Sonet – l’Axiom 1 et l’Axiom 2 que l’on trouve ici reproduits. C’est là une urgence manifeste qui commande : aux musiciens de tout dire, et vite encore, en un minimum de temps – dans le saxophone ténor de Frits Krogh, on entend le tout dernier Coltrane et un peu de la désinvolture de Dolphy ; au label, de publier tout aussi vite : or, les musiciens tarderont à donner leur accord, et le disque ne sera pas commercialisé.
Il aurait pourtant révélé la possibilité d’un free vernaculaire et d’une expression aussi incisive que celle des musiciens américains que l’Europe put accueillir. Or, tous les deux (free et expression) dataient déjà : c’est ce que démontre cette pièce enregistrée en 1966 pour la radio suédoise qui vient augmenter le LP original. Prehn et ses partenaires semblent là avoir mené une réflexion qui profite à leur art instrumental : ainsi l’affirmation affranchie se construit-elle au fur et à mesure du jeu, au gré des conversations que s’autorise désormais la formation.
L’année suivante, le batteur Finn Slumstrup y était remplacé par Prehen Vang. C’est lui qu’on entendra sur Tom Prehn Kvartet, que John Corbett fit publier il y a quelques années dans la série Unheard Music du label Atavistic…
Tom Prehn Quartet : Axiom
Corbett vs. Dempsey / Orkhêstra International
Enregistrement : 13 octobre 1963 - 1966. Réédition : 2015.
CD : 01/ Aiom 1 02/ Axiom 2 03/ Percussive Anticipations
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Sun Ra : Prophetika (Kicks Books, 2014)
Charles Plymell – qui signe la préface de ce recueil de textes de Sun Ra que fait paraître Kicks Books, éditeur qui publia déjà This Planet is Doomed et qui inaugure avec ce volume une série intitulée « Prophetika » – a raison de renvoyer les « prophéties » du musicien à De la nature des choses de Lucrèce, dans lequel on peut notamment lire : « Pour dissiper les terreurs et la nuit des âmes, c'est trop peu des rayons du soleil ou des traits éblouissants du jour. »
Il fallait ainsi d’autres soleils – Sun Ra en fut un, certes autoproclamé – et d’autres traits éblouissants : on en trouvera quelques-uns dans ces notes jetées sur le papier, prêches inspirés par l’Antiquité autant que par les mythes qui leur étaient contemporains, poèmes qui bâtissent une cosmogonie dans laquelle l’auteur de chansons puisera un vocabulaire (Space is the Place). Au fil de la lecture, c’est un peu du phénomène Sun Ra qui est révélé au lecteur : sa provenance déclarée était donc une façon de se mettre à distance de la « confusion » et du « chaos » d’un monde qui marche sur la tête : « J’aurais pu m’amuser sur cette planète si les gens y avaient été en vie… »
Sun Ra : Prophetika. Book One
Kicks Books
Edition : 2014.
Livre (en anglais) : Prophetika. Book One
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Yochk'o Seffer Neffesh Music : Délire (Moshé-Naïm, 1976)
Ce texte est extrait du deuxième des quatre fanzines Free Fight. Retrouvez l'intégrale Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié par les éditions Camion Blanc.
Au dos de la pochette de La Voie scriptorale, le compositeur contemporain Alain Bouhey écrit: « Yochk’o Seffer voudrait bien se débarrasser de l’étiquette de « musicien de jazz ». Pourquoi donc ne pas le présenter de la façon suivante : compositeur français d’origine magyare ayant travaillé avec Nadia Boulanger, et employant une technique d’écriture inspirée de Bela Bartók et Olivier Messiaen, à laquelle s’adjoint un sens de l’improvisation prenant sa source dans la tradition orale magyare aux phrasés tziganes. (…) Il se reconnaît petit-fils de Bartók, mais aussi fils de Coltrane. »
Ajoutons qu’il est également peintre et sculpteur ; qu’il a participé à Perception, Zao, Magma ; et que l’Ecole de Vienne a eu une influence énorme sur lui. Didier Levallet, bassiste de Perception : « Au moment de l’avènement du free jazz, l’éclatement de formes que l’on croyait éternelles a ouvert beaucoup de possibles, permettant à chacun de développer son langage. En fait, la leçon que nous avons reçue de la Nouvelle Musique était de devenir enfin nous-mêmes. La musique de Perception vient sans le moindre doute du jazz, mais on peut aussi y entendre des échos d’un certain folklore hongrois, des couleurs issues de la musique contemporaine, un peu d’art concret aussi, et sûrement d’autres choses encore, plus intimes, avec cette respiration européenne qui nous est propre. »
De Perception, Jean-My Truong était le batteur, et Siegfried Kessler le pianiste. Les uns comme les autres, dont au moins deux sur quatre formés dans la tradition classique et attirés par la musique contemporaine, ont trouvé dans le jazz, au moins pendant un temps, un moyen d’expression approprié à leurs désirs de musique plus spontanée – et un point de départ vers des aventures singulières. Au dos de la pochette de Délire, Yochk’o Seffer parle de sa renaissance artistique liée à la Neffesh-Music (« neffesh » signifiant « âme » en hébreu). L’idée, aux dires mêmes de l’intéressé, si l'on fait abstraction de toute préoccupation d’ordre spirituel, était de combler un manque entre Perception et Zao, c'est-à-dire entre les envolées associées à l’improvisation du premier et les compositions du second – ou encore de créer un orchestre aux potentialités multiples, envisageable comme un véritable collectif, tant sur la plan humain que musical bien sûr. Projet consistant à synthétiser free jazz, jazz-rock et musique contemporaine. Mission dans laquelle Yochk’o Seffer s’est adjoint les services du Quatuor Margand, pourtant plus habitué à Rameau et Lutoslawski qu’à l’improvisation. En sa compagnie, le compositeur qu’est donc aussi Yochk’o Seffer imprime une direction, offrant à chacun de s’exprimer – rien à voir cependant avec les conductions de Lawrence ‘’Butch’’ Morris ou avec le travail de John Zorn pour Cobra.
Au quatuor donc, revient la partie écrite, dont le cadre rythmique précis est assuré par Jean-My Truong. Une écriture tout à la fois inspirée de l’atonalité, de la modalité et du dodécaphonisme, où cordes, saxophones et électronique dialoguent. Un langage où free rime curieusement avec binaire, dans une veine que Yochk’o Seffer tient des Tony Williams et Jack DeJohnette période Miles et Lifetime. L’improvisation y trouve naturellement son chemin, se superposant à l’écrit au sein de progressions en parallèle, d’écarts non conventionnels, de successions inhabituelles génératrices de dissonances clairement signées.
Aux claviers électriques, une fois passées les banalités introductives de la face A où le saxophone convainc pourtant presque d’emblée, des sonorités vintage et tendues finissent par rappeler ce que faisait au même moment Bruce Ditmas dans le cadre de l’album Yellow, ou encore Siegfried Kessler sur Man and Animals. Et quant à l’ambition d'une telle entreprise, elle serait à rapprocher des exigences inhérentes aux travaux de Mike Mantler, Don Ellis, voire Mike Westbrook à l’époque du disque The Cortege.
Disons que Délire, c’est un peu Art Zoyd revu et corrigé par des arrangements de cordes également inspirés des concepts harmolodiques d’Ornette Coleman avec qui Yochk’o Seffer finira par enregistrer.
Chris Abrahams : Fluid to the Influence (Room40, 2016)
Alors que... revoici Chris Abrahams… En huit tours de piste, le pianiste des Necks (qui tâtera en plus de la guitare, de la percussion, etc.) nous montre tout ce qu’il sait / peut faire en dehors des… Necks. Du bon et du moins bon. C’est lui qui le dit… en tout cas, qui le joue !
Du bon quand il passe son clavier au hachoir électronique (le label ne s’y trompe pas quand il met en avant Receiver) et qu’il invente des pistes d’ambient expé, de noise qui sursaute, mais rien d’impressionnant non plus. Du moins bon (et parfois quoi ? eh bien du mauvais, tiens !) quand il y va de son piano gnangnan, chopinodebussyen (le piano), ou de son minimalisme à l’organ ou clavecin de l’espace qui tourne en rond… C’est d’ailleurs peut-être ça, le plus gros écueil qui guette toujours les groupes qui durent et qui marchent bien : le projet solo ! son gnangnan à soi !
Chris Abrahams : Fluid to the Influence
Room40
Edition : 2016.
CD / LP / DL : 01/ 1 Liter Cold Laptop 02/ Scale Upon the Land 03/ Receiver 04/ Clung Eloquent 05/ Trumpets of Bindweed 06/ The Stones Continued Intermittently 07/ As Tranquil As An Apple 08/ Rust and Cornet
Pierre Cécile © Le son du grisli
Nate Wooley : Battle Pieces (Relative Pitch, 2015)
C’est seul que Nate Wooley entame ce concert donné en quartette au Roulette le 11 avril 2014. A ses côtés : Ingrid Laubrock, Matt Moran et Sylvie Courvoisier, le temps de quatre Battles Pieces, dans lesquelles le trompettiste piochera ensuite pour composer, seul, trois Tape Deconstruction.
L’enjeu tient donc d’abord dans l’accord de musiciens aux dissemblances souvent manifestes. Ainsi faudra-t-il faire œuvre de mesure pour trouver un certain équilibre : Wooley en meneur gagne rapidement le soutien de Laubrock et l’appui enveloppant de Moran ; plus difficile, avec Courvoisier, qui, sur un spasme volontaire ou un emportement de rigueur, demande qu’on l’entende aussi. Ce que fait Wooley, qui oppose maintenant au piano un bourdon tenace quand il n’adopte pas plutôt son obstination.
Une fois seul, le même donne une autre forme aux quatre compositions du quartette : voici trois « compositions sur l’instant d’après », qui le montrent évoluant dans un palais de miroirs aux bruits moins familiers, puisque sortis d’instruments détournés. En réinventant un concert donné à quatre, Wooley s’affiche en vainqueur – l’élégance lui commandant tout de même de conclure le disque sur un bel échange qu’il eut avec Courvoisier (Battle Pieces IV). Pas dupe de la manœuvre, l’auditeur pourra applaudir.
Nate Wooley : Battle Pieces
Relative Pitch / Metamkine
Enregistrement : 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Battle Pieces I 02/ Tape Deconstruction I 03/ Battles Pieces II 04/ Tape Deconstruction II 05/ Battle Pieces III 06/ Tape Deconstruction III 07/ Battle Pieces IV
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Aluk Todolo : Voix (Norma Evangelium Diaboli / The Ajna Offensive, 2016)
Cela fait plus de dix ans qu’Aluk Todolo donne dans l’ « occult rock ». Un mélange de black métal et de rock psyché, un peu à la Rallizes, voilà ce que sert ce trio guitare (Shantidas Riedacker) / basse (Matthieu Canaguier) / batterie (Antoine Hadjioannou) sur son quatrième album studio.
Pas de doute, le groupe est en place : la basse impose la cadence, la batterie la martèle et la guitare tergiverse à loisir, dans le noir et de temps en temps à l’aveugle. Les médiators ont le feu à la corne, ok. Mais c’est quand Riedacker commence à s’en servir pour fouetter des accords que la corne prend feu : c’est comme ça qu’à mi-parcours (on est donc sur 5 :01) c’est l’extinction de voix… Mais pas pour longtemps, vous imaginez bien. Et déjà ça repart, pas plus subtil qu’avant, mais tout aussi performant (& perforant parfois). Y' qu'à entendre...
Aluk Todolo : Voix
Norma Evangelium Diaboli / The Ajna Offensive
Edition : 2016.
CD / LP : 01/ 8 :18 02/ 7 :54 03/ 5 :01 04/ 7 :01 05/ 5 :34 06/ 9 :29
Pierre Cécile © Le son du grisli
Aluk Todolo est à l'affiche du festival Sonic Protest, qui se déroulera à Paris, Montreuil et ailleurs, du 2 au 15 avril. Le 7, le trio jouera à l'église Saint-Merry avec AMM et Joachim Montessuis.
Balloon & Needle Compilation : Music Made with Balloon and/or Needle (Balloon and Needle, 2014)
A l’intérieur de l’objet de carton, on trouve un ballon (rouge) et une aiguille (sous plastique) : le message est clair, on en fera ce qu’on voudra. Clair aussi, celui des deux disques qu’il renferme sous le titre Music Made with Balloon and/or Needle – souffle, menace, explosion…. parfois, le site du label Balloon & Needle délivre une note d’intention.
Certes, les dix-huit titres de cette compilation ne resteront pas tous dans les mémoires – c’est d’ailleurs là l’une des caractéristiques de la compilation – mais c’est presque un disque entier qui intéressera. Au son des discours chantés d’Eugene Chadbourne, des bizzareries qu’Attila Faravelli et Enrico Malatesta réservent aux objets proposés, des cris d’animaux terribles de Dave Phillips, de l’obsession digitale et frénétique de Judy Dunaway, des craquements de navigation de Ricardo Arias, des respirations industrieuses de Frans de Waard, des tremblements mécaniques d’Horio Kanta ou encore de l’impertinence d’Hong Chulki ou la conclusion de l’expérience d’EVOL… L’ailleurs se jouant entre noise et discrétion. Preuve qu’on peut faire – parfois plus qu’avec un saxophone ou une guitare – avec un ballon et une aiguille…
Music Made with Balloon and/or Needle
Balloon and Needle
Edition : 2014.
CD1 : 01/ Davide Tidoni : A Balloon for My Spine 02/ Judy Dunaway : Fracture 03/ Una Lee : 98 Needle Points 04/ EVOL : Three Hundred Grams of Latex and Steel in One Day (Outtake) 05/ Attila Faravelli / Enrico Malatesta : Senza Titolo (Parte 4 : Omaggio a Mr. Dark) 06/ Gen 26 (Matjaz Galicic) : KLK26 07/ Choi Sehee : Point, Line, Plane 08/ Benedict Drew : Balloon & Cymbal 2009 09/ Eugene Chadbourne : Election Day – CD2 : 01/ Jim Sangtae : Fifty Seven 02/ Ricardo Arias : Crackle (Low) 03/ Dave Phillips : Colony Collapse Disorder 04/ Horio Kanta : Mike Player 1 05/ Hong Chulki : No Balloon But a Needle 06/ Luciano Maggiore : Intorno #1 07/ Umeda Tetsiya : Use Paper As a Needle Put Microphone in a Balloon 08/ Frans de Waard : Ballon Mix 09/ Lee Miyeon : Needle and My Town
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Luis Lopes, Jean-Luc Guionnet : Live at Culturgest (Clean Feed, 2015) / J.-L. Guionnet, Thomas Bonvalet : Fusées (BeCoq, 2016)
Part I : l’unisson aimera que se pointe la stridence. L’étreinte sera sonique, mortelle. L’aigu percera le tympan. Un saxophone alto et une guitare écartèleront le son, l’étendront dans son absolue nudité. La tentation de la saturation sera vite assouvie. La trame n’aura pas besoin de longs versets. La guitare fera louvoyer le tumulte. L’alto l’y rejoindra. La stéréophonie ne sera pas de pacotille. On percevra une lutte plus qu’une fraternité. Mais cette lutte sera belle. Ici, gladiateurs : Luis Lopes et Jean-Luc Guionnet.
Part II : maintenant on invente l’espace, la distance. On module les envies. On s’ouvre au partage. On construit sans tics. On combat sans tic. On fore le cri. On rougit l’acier. Un slap interroge l’action. Et l’acier reprend ses droits. On inscrit le cri dans ses gènes. On retrouve la distance. Et l’unisson se perd. Ici, alliés : Luis Lopes et Jean-Luc Guionnet.
A l’aide de microphones, amplificateurs, peau de tambour, banjo, diapasons, plectre de pavot, orgues électriques, harmoniums, table de mixage, trompette de poche, saxophone soprano et des dizaines d’autres objets hétéroclites, Thomas Bonvalet et Jean-Luc Guionnet posent un regard neuf sur le rythme. Non pas un regard de coordinateur, mais plutôt d’émancipateur.
Battements cardiaques, chocs souterrains, surabondances hypnotiques, insectes grignoteurs, galops et machineries, stridences et concerts de klaxons, autant de matières et de sensations se répétant en une transe jamais achevée, toujours renouvelable. Soit l’art de rendre ludique (on sent qu’ils ont pris plaisir à l’expérience) ce qui, à priori, ne paraissait pas l’être de prime abord.
Luis Lopes, Jean-Luc Guionnet : Live at Culturgest
Clean Feed / Orkhêstra International
Enregistrement : 2011. Edition : 2015
CD : 01/Part I 02/Part II
Luc Bouquet © Le son du grisli
Thomas Bonvallet, Jean-Luc Guionnet : Fusées
BeCoq Records / Gaffer Records
Enregistrement : 2014. Edition : 2016
CD / 12’’ : 01-06/ Fusées
Luc Bouquet © Le son du grisli