Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Arturas Bumšteinas : Epiloghi (Unsounds, 2014)

arturas bumsteinas epiloghi

C’est presque agréable de se rendre compte qu’on n’est pas sensible à tout (à tout ce qui est « expérimental », j’entends, et qui, en plus, paraît sur tel label qu’on apprécie). « Je ne suis pas un auditeur facile », me félicitai-je par exemple après l’écoute d’Epiloghi. Six Ways of Saying Zangtumbtumb d’Arturas Bumšteinas (récipiendaire pour cette composition du prix Palma Ars Acustica 2013).

Non, cher Arturas, on ne m’a pas comme ça, moi. Votre réponse au tout premier opéra, La Dafne de Jacopo Peri, couplée aux effets qu’ont fait sur vous L’art des bruits de Luigi Russolo et Les passions de l’âme de Descartes, ne m’a pas emballé. Peu de goût pour le clavecin, les collages hirsutes et la folie facile… Certes, votre baroque est futuriste mais, à mon avis, rétropédale. Votre imachination sonore m’accable, et Descartes m’explique pourquoi : « L’admiration est une subite surprise de l’âme, qui fait qu’elle se porte à considérer avec attention les objets qui lui semblent rares et extraordinaires ». Or dans Epiloghi, j’ai trouvé l’expérimental d’un ordinaire accablant…

Quant à Night on the Sailship, c’est un peu mieux, mais guère chavirant.

écoute le son du grisliArturas Bumšteinas
Epiloghi

Arturas Bumšteinas : Epiloghi. Six Ways of Saying Zangtumbtumb (Unsounds / Metamkine)
Edition : 2013.
CD : 01-06/ Epiloghi. Six Ways of Saying Zangtumbtumb 07/ Night on the Sailship
Pierre Cécile © Le son du grisli



Paul Dunmall, Mark Hanslip, Philip Gibbs, Ed Ricard : Weeping Idols (FMR, 2014)

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Les cinquante-et-une minutes de Weeping Idols disent beaucoup des talents de Paul Dunmall et Mark Hanslip (saxophones ténor), Philip Gibbs et Ed Ricard (guitares). Elles disent que les contrepoints inauguraux de cette impro de chambre n’auront qu’un temps. Et que se pointeront d’autres visages. Bien sûr, les guitares grouilleront de leurs échos souterrains. Bien sûr, les saxophonistes envenimeront leurs souffles. Bien sûr, les colères seront rentrées ici, brûlantes ailleurs.

Mais le temps prendra son envol : les arpèges préserveront les phrasés anxiogènes des deux saxophonistes (Bhutan). Plus loin (Better Than Words), ces deux mêmes saxophonistes se souviendront des denses reflets de la West-Coast avant de visiter des microtonalités plus récentes. A l’arrivée (Weeping Idols), ce sont les deux guitaristes qui, en un final saturant, déborderont le cadre d’un disque souvent passionnant.

écoute le son du grisliPaul Dunmall, Mark Hanslip, Philip Gibbs, Ed Ricard
4 Souls, 8 Eyes

Paul Dunmall, Mark Hanslip, Philip Gibbs, Ed Ricard : Weeping Idols (FMR / Improjazz)
Enregistrement : 2012. Edition : 2014.
CD : 01/ 4 Souls, 8 Eyes 02/ Bhutan 03/ Better Than Words 04/ Weeping Idols
Luc Bouquet © Le son du grisli


Los Amargados : El dia de los Amargados (Unusual, 2014)

los amargados el dia de los amargados

C’est une cassette rouge, conservée dans un sachet de plastique, avec un piment sec et une bande-dessinée petit format. Le strip semble raconter la virée des deux musiciens – Petr Vrba et George Cremaschi – dans le désert mexicain : répondant favorablement à l’invitation que leur fait un squelette de jouer pour lui, les musiciens s'emmêleront les moustaches… confondues, celles-ci symboliseraient, à en croire le panthéon tchéco-mexicain, la bande que renferme la cassette.

Là, trouver en première face le trompettiste et le contrebassiste retournant la bande de l’intérieur le temps d’une bataille rangée qui rapproche électroacoustique bruitiste et artisanat pétaradant. En seconde face, Susanna Gartmayer rejoint le duo : à la clarinette basse, elle dépose quelques graves capables d’en démontrer à la contrebasse avant de racler le fond de son instrument en chercheuse d’atout radical. Qu’elle trouve bientôt : gimmick de trois notes qu’elle fait tourner et qui change Vrba et Cremaschi en poupées-souvenir qui valent leur pesant de piment.

Los Amargados : El dia de los Amargados (Unusual Records)
Edition : 2014.
K7 : A/ Los Armagados B/ Los Armagados with Suzanna Gartmayer
Guillaume Belhomme © le son du grisli


Pierre-Alexandre Tremblay : La marée (Empreintes DIGITALes, 2014)

pierre-alexandre tremblay la marée

Sur La rupture inéluctable, la première des pièces de ce double CD, Pierre-Alexandre Tremblay ne raconte pas notre histoire, mais j’y vois des coïncidences. Un homme (le soliste ?) seul face à des haut-parleurs. En 2011 (c’est l’année de la composition). Une clarinette basse (celle d’Heather Roche) lui lance un appel. Il ne bouge pas. Une deuxième basse, maintenant, sur la première. Cela lui rappelle un air folklorique, ou plutôt (il hésite, maintenant), une composition de Braxton. L’acoustique contre les schémas électroniques, l’homme contre la machine. Un homme seul face à des haut-parleurs qui l’envoutent.

Je remercie Pierre-Alexandre Tremblay pour La rupture inéluctable et pour Mono No Aware, ses pièces les plus récentes. Dans Mono No Aware, je vois d’autres coïncidences. Dans ces rubans de sons qui m’encerclent et tournent. J’entends en eux la corne de brume de la table de Babel de Jean-François Laporte, mais elle est multipliée. Je cherche d’où vient l’appel et me tourne dans l’autre direction.

Comme je ne vois pas des coïncidences dans tout ce que j’entends, je passerais à côté des trois autres compositions : Le tombeau des fondeurs, où le piano Baschet-Malbos de Sarah Nicolls sonne des cloches électronique, Still, Again, où la soprano Peyee Chen fait face à un désordre électronique aussi, et Un clou, son marteau, et le béton, où Sarah Nicolls revient au piano pour un exercice romantique que mon pauvre cœur ne peut souffrir… C’est le hasard des coïncidences et le vouloir des compositions. Deux, pour moi, coïncidaient.

écoute le son du grisliPierre-Alexandre Tremblay
La marée (extraits)

Pierre-Alexandre Tremblay : La marée (Empreintes DIGITALes)
Edition : 2014.
CD1 : 01/ La rupture inéluctable (2011) 02/ Le tombeau des fondeurs (2008) 03/ Mono No Aware (2013) – CD2 : 01/ Still, Again (2012-13) 02/ Un clou, son marteau, et le béton (2008-2009)  
Héctor Cabrero © Le son du grisli


Erika Dagnino : Signs (Slam, 2013)

erika dagnino signs

Le grain de sable (ici Erika Dagnino) ne peut faire taire la force du trio formé par Ras Moshe (flûte, saxophones), Ken Filiano (contrebasse), John Pietaro (vibraphone, percussions). Chez le saxophoniste (par ailleurs poète) : un black phrasé, un saxophone ténor large et granuleux, un saxophone soprano alerte. Soit dit en passant : une découverte. Chez le contrebassiste : des pleurs d’archets, du bois crissant, un désir d’irriguer des terres qu’il devine fertiles. Chez le percussionniste : un vibraphone coureur, une armada percussive posée à bon escient.

Quelques mots sur le grain de sable : la poésie forte et profonde d’Erika Dagnino n’est pas en cause, mais son phrasé et sa diction en droite ligne d’une Violeta Ferrer (mais avec Violeta, l’émotion nous submerge) ne passent pas la rampe. Soit la couronne d’épines sur le fleuve intranquille.

Erika Dagnino Quartet : Signs (Slam Productions)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Preludio 02/ Prima Improvvisazione 02/ Seconda Improvvisazione 03/ Terza Improvvisazione 04/ Quarta Improvvisazione 05/ Intermezzo 06/ Quinta Improvvisazione 07/ Improvvisazione Finale
Luc Bouquet © Le son du grisli



Merzouga : 52°46’ North 13°29’ East (Gruenrekorder, 2013)

merzouga music for wax-cylinders

Eva Pöpplein (electronics) et Janko Hanushevsky (basse électrique préparée) forment Merzouga. Il y a peu, ils allèrent « piocher » dans le fond d’ethnomusicologie de la Berlin Phonogram Archive et, à l’automne 2012, donnèrent un concert en se servant de leurs découvertes.

Les fruits de l’expérience, étonnante, versent dans une ambient folkloriste ou des chants de la Terre de Feu, de Hongrie ou du Yemen (etc., of course), croisent l’électronique et la basse électrique dans un ballet qui mêle futur et traditions. Dommage tout de même qu’il faille forcément un vainqueur : car en effet c'est le futur qui finit par l'emporter, quand la basse parle trop et que l’électronique crépite avant d’oser une petite mélodie orientale d’une facilité… appauvrissante. Deux fois dommage.

Merzouga : 52°46’ North 13°29’ East – Music for Wax-Cylinders (Gruenrekorder)
Edition : 2013.
CD : Music for Wax-Cylinders : 52°46’ North 13°29’ East
Pierre Cécile © Le son du grisli


John Tchicai, Charlie Kohlhase, Garrison Fewell, Cecil McBee, Billy Hart : Tribal Ghost (NoBusiness, 2013)

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Sur des compositions de Garrison Fewell – si ce n’est ce Llanto del Indo que John Tchicai adapta –, le trio de Good Night Songs se retrouvait les 9 et 10 février 2007, augmenté d’une section rythmique (sans piano) composée de Cecil McBee et Billy Hart.

Tchicai sur enceinte gauche, Kolhase sur enceinte droite ; entre les deux, la guitare de Fewell charge l’atmosphère du morceau-titre de codes divers (jazz, blues, soul) pour qu’elle puisse enfin rappeler celle des missives adressées jadis au Très-Haut – mais au Très-Haut quoi ? – par Alice Coltrane et Pharoah Sanders. Car c’est la marque d’une quête musicale que révèle Tribal Ghost, inquiète d’accorder toutes propositions musicales passées, présentes et à venir : sans cesse ramené au jazz par McBee et Hart, le trio peut échapper au genre sous influence africaine (Tchicai à la clarinette basse sur Dark Matter) ou latine (Llanto del Indio sur lequel les nerfs lâchent). Et quand il substitue l’improvisation à la partition, le quintette augmente son art de la mesure d’un supplément d’âme qui confond force et fragilité. 

écoute le son du grisliJohn Tchicai, Charlie Kohlhase, Garrison Fewell, Cecil McBee, Billy Hart
Dark Matter

John Tchicai, Charlie Kohlhase, Garrison Fewell, Cecil McBee, Billy Hart : Tribal Ghost (NoBusiness)
Enregistrement : 9 et 10 février 2007. Edition : 2013.
LP : A1/ Tribal Ghost A2/ The Queen of Ra – B1/ Dark Matter B2/ Llanto del Indio
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Daunik Lazro, Benjamin Duboc, Didier Lasserre : Sens Radiants (Dark Tree, 2014)

daunik lazro benjamin duboc didier lasserre sens radiants

Partir du silence. Y revenir. Michaux est dans le coup. Daunik Lazro, Benjamin Duboc, Didier Lasserre aussi. Eux, c’est une caravane avec trajet. Le trajet est simple comme tous les bonjours perdus. Aucun risque de se perdre, de se risquer en cul-de-sac. Ils prennent une sphère. Ils en nervurent le rayon. Le trajet a commencé. Le son s’allonge. Sans résonance. Maintenant avec résonance. Ce lointain grondement, est-ce l’épicentre ? L’espace se sent, se tend, se projette, se palpe. On siffle et quelque chose se descelle.

Imaginer la rupture, vous n’y pensez pas ? L’écorce n’est pas carapace. Et elle est si ferme. Voici une mélodie accueillie. Voici le cri. Mais ceci est-il un cri ? Et ce qui était précédemment était-il retenue ? Voici la destination et le possible regret des destinations. Demain d’autres reflets, d’autres trajets.

écoute le son du grisliDaunik Lazro, Benjamin Duboc, Didier Lasserre
Sens Radiants (extrait)

Daunik Lazro, Benjamin Duboc, Didier Lasserre : Sens Radiants (Dark Tree)
Enregistrement : 2013. Edition : 2014.
CD : 01/ Sens Radiants
Luc Bouquet © Le son du grisli


Burkhard Beins, Jason Kahn, Z'EV : 26 avril 2014 à Nantes

burkhard beins jason kahn z'ev apo33 nantes

Drum & Percussion Madness!! est un marathon particulier, qui nécessite passage de témoin, organisé sur trois jours à Nantes par l'association APO-33. Trois jours de claques et, ce samedi, un triangle à sommets imposants : Burkhard Beins, Jason Kahn et Z'EV. Eux trois ne se toisent ni ne s'évaluent, mais s'écoutent, en différents (même si rapprochés) endroits de la Plateforme Intermédia de La Fabrique.

Au centre, Burkhard Beins envisage d'abord le rythme en élément de surface : brossant, polissant, appliquant ses mouvements circulaires à la notion de temps qui passe tout en faisant chanter ses caisses claires sur le passage d'un objet de métal ou d'un bloc de polystyrène. L'art est concentré, recueilli même, dans les pas duquel devra dire celui de Jason Kahn. A gauche, lui entamera son improvisation avec l'air de s'échauffer. La frappe est sèche, les baguettes interrogent chaque centimètre de batterie ; Kahn semble battre la breloque dans l'espoir de tomber enfin sur une musique d'attente jusqu'au moment où tout bascule, cet instant à partir duquel les résonances révéleront l'importance de tous les coups qui les ont précédées et dont elles ont nourri leur refrain. A droite, dans une cage ouverte de percussions suspendues, Z'EV peut alors interroger peau et disques de métal. A l'aveugle, il grattera aussi l'intérieur d'une boîte jusqu'à l'âme qu'on est bien forcé de lui reconnaître. Trois façons, donc, de battre et le fer et la mesure, qui valent bien que l'on décerne à Drum & Percussion Madness!! son troisième point d'exclamation.

Burkhard Beins, Jason Kahn, Z'EV, Nantes, APO33, festival Drum & Percussion Madness!!
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Matana Roberts : Coin Coin Chapter Two: Mississippi Moonchile (Constellation, 2013)

matana roberts coin coin chapter 2

Mississipi is a beautiful place ! C’est (enfin, c’était, l’année dernière) le retour de Matana Roberts et de Coin Coin, son projet qui puise aux racines de la musique noire américaine (s’il faut donner une couleur à la musique) pour remettre au goût du jour la légendaire... danse des canards (bon).

Pour nous convaincre, la saxophoniste remet la parole (le chant masculin peut parfois heurter l’oreille) et la « tradition » au centre des enjeux. Le blues, le ragtime, le swing, le jazz de l’AACM ou du Brotherhood of Breath, tout inspire bien le Mississipi Ness que télécommande de main de maître Miss Roberts. Alors, après Gens de Couleur Libre, on est bien obligé de saluer la deuxième apparition du Coin Coin et en répondre : oui, il existe, et bel, et bien !

Matana Roberts : Coin Coin Chapter Two: Mississippi Moonchile (Constellation / Souffle Continu)
Edition : 2013.
CD / LP / DL : Coin Coin Chapter Two: Mississippi Moonchile
Pierre Cécile © Le son du grisli



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