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Le son du grisli

 
 
22 décembre 2017

Roswell Rudd (1935-2017) : Roswell Rudd (America, 1971)

roswell rudd america

Ce texte est extrait du livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié par Camion Blanc. 

Et cette silhouette de femme qui marche sur le bon vouloir et le désir de Michael Snow se retrouva sur la pochette d’un disque publié par ESP : New York Eye and Ear Control, titre emprunté au court-métrage de l’artiste canadien qui fut, entre autres choses, pianiste de l’Artists’ Jazz Band. Sur le vinyle en question improvisaient Albert Ayler, Don Cherry, Ed Blackwell, Sunny Murray, Gary Peacock, Roswell Rudd et John Tchicai. Enregistrés à l’été 1964 dans l’appartement de Paul Haines à New York. L’inspiration soumise à la lecture du film.

La même année, Rudd et Tchicai entraient en studio aux côtés d’Archie Shepp et enregistraient Four for Trane. Ils se feront ensuite entendre au sein du Jazz Composer’s Orchestra – écouter Communication, premier disque du projet de Michael Mantler et Carla Bley, puis The Jazz Composer's Orchestra, sur lequel l’imposante formation accueille Cecil Taylor – avant de créer le New York Art Quartet. Les preuves accablent une association fructueuse qui applique son swing aux soubresauts de deux (ou de plus de deux) imaginations transportées. Mais en Roswell Rudd, le transport a ceci de différent qu’il est caractéristique.

Roswell Rudd 2

Le character en question est donc tromboniste. Le 11 février 1965 aux Pays-Bas, il enregistre aux côtés de John Tchicai (saxophone alto), Finn von Eyben (contrebasse) et Louis Moholo (batterie), le premier enregistrement qu’il publiera sous son nom et qui, pour cela, l’emprunte. Sur la couverture, le tromboniste apparaît en noir sur fond vert : la photo est d’Horace, prise à l’occasion d’un concert donné à Pleyel en 1967 – soit, bien après l’enregistrement du disque qui nous intéresse – par le quintette d’Archie Shepp. Rudd est de la formation, tout comme Grachan Moncur III au même instrument, Jimmy Garrison à la contrebasse et Beaver Harris à la batterie.

En 1965, un tromboniste ayant servi le dixieland avant de côtoyer Herbie Nichols et de servir le répertoire de Thelonious Monk en compagnie de Steve Lacy – se jeter sur Early and Late et School Days, respectivement sous étiquettes Cuneiform et HatOLOGY (voire Emanem) – scellait donc son entente avec un saxophoniste alto qui se préparait à devenir l’un des compagnons d’Ascension de John Coltrane. Le répertoire est fait de trois morceaux du meneur (« Respects », « Old Stuff » et « Sweet Smells »), d’un autre de Tchicai (« Jabulani ») et d’un dernier de Monk (« Pannonica »). Sur ses compositions, Rudd privilégie l’interaction de ses graves vacillants et des précipitations tremblantes de l’alto au son d’un free jazz misant beaucoup sur le relâchement rythmique – qui n’en demande évidemment pas moins d’efforts à Eyben et Moholo. Au savoir-faire ancien (l’exposé du thème auquel revenir après quelques minutes d’abandon, de trahison voire), Rudd injecte des doses d’acide qui le menacent moins qu’elles ne le renouvellent : ainsi « Sweet Smells » est-il un « Blue Rondo a la Turk » aux vapeurs enivrantes qu’un solo de Moholo, changé pour l’occasion en Joe Morello, domptera afin qu’il cesse de tourner. Concernant le souvenir à garder de l’association Rudd / Tchicai, rien ne pourra y faire : leurs sons faits pour s’entendre et qui se sont plusieurs fois entendus – ici, l’unisson de « Jabulani » soumis à féroce allure et l’interaction lente exigée par la relecture de « Pannonica » persistent et signent – tournent encore : 33 fois par minute pour ce LP édité par America en 1971 ou plus rapidement pour le CD réédité en 2004 par Emarcy – parmi une fournée d’America réchauffés contenant des enregistrements de Steve Lacy, Anthony Braxton, Art Ensemble of Chicago…  

Roswell Rudd 1

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