Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Marilyn Crispell, Mark Dresser, Gerry Hemingway : Play Braxton (Tzadik, 2012)

crispell hemingway dresser play braxton

A la manière d’Old and New Dreams et de VSOP – groupes d’anciens partenaires d’Ornette Coleman et Miles Davis qui célébrèrent en son absence le répertoire du jadis meneur et pour toujours maître – Marilyn Crispell, Mark Dresser et Gerry Hemingway revenaient à Anthony Braxton le temps d’un hommage rendu le 19 avril 2010 – soit : à la veille de son soixante-cinquième anniversaire.

Aux membres encore alertes – davantage peut-être qu’Old and New Dreams et ô combien plus que VSOP en leur temps –, le trio allait au son de compositions lui laissant un peu de champ d’expression propre : fougue inventive de Crispell (certes, le son du piano brille un peu), archet leste et tambours remontés, ne peuvent toutefois rivaliser avec l’art du quartette classique de Braxton (1985-1994) – blanches et silences sont rares ; les secondes y sont en effet parfois longues.   

Marilyn Crispell, Mark Dresser, Gerry Hemingway : Play Braxton (Tzadik / Orkhêstra International)
Enregistrement : 19 avril 2010. Edition : 2012.
CD : 01/ Composition 116 02/ Composition 23C 03/ Composition 108C/110/69Q 04/ Composition 69B [8.2] 05/ Composition 40N/40B
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Tim Olive, Alfredo Costa Monteiro : 33 Bays (845 Audio, 2012)

index

33 Bays date d’octobre 2009. Tim Olive (guitare & électronique) et Alfredo Costa Monteiro (dispositifs électroacoustiques) y apparaissent en super-héros qui repoussent de grandes carcasses rouillées de leurs mouvements musicaux. Sur les enceintes, ça se traduit par des souffles grondants, un bruit de mitraille ou encore la chanson cuivrée d’objet extraordinaire.

On dirait que le duo s’occupe seulement de disposer des micros et de laisser tourner la bande. Sans doute pas. Mais disons quand même que l'environnement qu’il capte est industriel, nocturne, chimérique. Bien différent de celui de la seconde plage, plus « concret » et plus « artificiel » à la fois, en un mot plus futuriste. On y sent moins ce goût de métal qui avait plu sur le premier titre. Mais on y goûte un bruit de fond qui confine l’humeur noire que nous impose novembre aux tréfonds de l’instant.

EN ECOUTE >>> Deux extraits

Tim Olive, Alfredo Costa Monteiro : 33 Bays (845 Audio / Metamkine)
Edition : 2012.
CD : 01-02/ 33 Bays
Héctor Cabrero © Le son du grisli


Stefano Pastor : Songs (Slam, 2012) / Erika Dagnino, George Haslam, Stefano Pastor, Steve Waterman : Narcéte (Slam, 2012)

stefano pastor songs

Après Chants (Slam 519), voici Songs. Mais l’effet de surprise est passé. L’âpreté du violon de Stefano Pastor ne nous surprend plus. Idem pour sa voix de crooner fragile. Il faut donc trouver d’autres pistes. C’est ce que fait ici Pastor en s’érigeant metteur en scène et en sons des six chansons de ce nouveau disque solo. Le violon se démultiplie. Il est accompagnateur, coloriste, soliste, bagarreur. Et insatiable, toujours. Il racle la corde jusqu’à la rupture quand il s’agit de convoquer le I Got Rhythm de Gershwin. Il se pare d’un romantisme toc et navrant quand le Brésil s’invite (Beatriz, Quem E Vocé). Il se fait rageur quand surgit le réjouissant Purple Haze d’Hendrix. Et il retrouve le chemin d’un jazz déviant – et néanmoins poignant – quand You Go To My Head et Duke Ellington’s Sound of Love empruntent sa route. Rien de révolutionnaire, ici, mais une singularité à ne surtout pas négliger.

Stefano Pastor : Songs (Slam / Improjazz)
Enregistrement : 2006 & 2010. Edition : 2012.
CD : 01/ I Got Rhythm 02/ Beatriz 03/ Quem E Vocé 04/ You Go To My Head 05/ Purple Haze 06/ Duke Ellington’s Sound of Love
Luc Bouquet © Le son du grisli

Erika Dagnino, George Haslam, Stefano Pastor, Steve Waterman - Narcéte

Se jouant du contrepoint pour mieux accueillir la voix (très) peu assurée d’Erika Dagnino ; George Haslam (saxophone), Stefano Pastor (violon & contrebasse) et Steve Waterman (trompette) ont à cœur de ne jamais encombrer la matière première à savoir les dix chants-poèmes de l’Italienne (textes en anglais et italiens reproduits à l’intérieur de la pochette). Remarquées ici : l’épaisseur de Steve Waterman, ses percées solaires et son art consommé du contre-chant. Ailleurs, les instrumentistes se laissent aller à entremêler leurs élans, à se décliner en blues languide ou à durcir leurs souffles. Et dans tous les cas, veillent et respectent l’étrange poésie d’Erika Dagnino.

Erika Dagnino, George Haslam, Stefano Pastor, Steve Waterman : Narcéte (Slam / Improjazz)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.  
CD : 01/ Chant I 02/ Chant II 03/ Chant III 04/ Chant IV 05/ Chant V 06/ Chant VI 07/ Chant VII 08/ Chant VIII 09/ Chant IX 10/ Chant X
Luc Bouquet © le son du grisli


Vinny Golia, Marco Eneidi : Hell-Bent in the Pacific (NoBusiness, 2012)

vinny golia marco eneidi hell-bent

Sur le feu, Vinny Golia convainc de l’association qu’il pensa pour Hell-Bent in the Pacific, lot de pièces quiètes et même réfléchies enfermées entre deux grands moments de tension – pour ne pas dire de free intense.

Ainsi donc, trouve-t-on aux côtés du souffleur : Marco Eneidi, ancien élève de Jimmy Lyons, recrue de Bill Dixon et par voie de conséquence saxophone alto singulier, et la paire rythmique Lisa Mezzacappa / Vijay Anderson. Saxophones (ténor, sopranino et soprano) à moudre et clarinettes à traîner trouvent là et un partenaire incitatif et un soutien de choix : l’empreinte d’Eneidi marquant même l’improvisation de ses enraiements multiples. En place, le groupe fait preuve d’un équilibre qui transforme toute provocation en déstabilisation nécessaire : de fioritures piquantes, Hell-Bent fait un bouquet de fleurs sauvages – pétales et tiges désormais accessoires.

EN ECOUTE >>> Everything Imaginable Can Be Dreamed >>> Lop-sided Heels and Frayed Shoes

Vinny Golia : Hell-Bent in the Pacific (NoBusiness)
Edition : 2012.
CD : 01/ Meteorites 02/ Inessential melancholies 03/ Everything imaginable can be dreamed 04/ Deformities and discords 05/ Pendulum 06/ Fumbling fulminations 07/ Prisoner of a gaudy and unlivable present 08/ Lop-sided heels and frayed shoes 09/ Catholic comstocking smut-hound 13'17"
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Dickie Landry : Fifteen Saxophones (Unseen Worlds, 2011)

dickie landry fifteen saxophones

Sa couverture donne l’impression que ce CD ou LP (une réédition d’une réfrence Wergo qui date de 1977) contient un solo de saxophone « comme un autre » (si je puis dire ici…). C’était sans compter sur la force de Richard « Dickie » Landry, un musicien connu pour avoir collaboré avec Philip Glass dans les années 1970 et qui a joué aussi avec les Talking Heads.

Je ne vous ferais pas l’affront de vous dire combien de saxophones Landry a enregistré sur sa pièce Fifteen Saxophones. Dans les pas de Glass et (plus encore) de Terry Riley, le saxophoniste sort de son instrument des drones aérés et invente d’un coup d’un seul le minimalisme aérien, un minimalisme moins mécanique que celui de Glass et moins lâche que celui de Riley. Un minimalisme original en conséquence.

Si ce disque ne contient pas un solo de saxophone « comme un autre », c’est aussi que Landry y joue de la flûte. Sur le deuxième morceau, les graves sont préférés aux aigus pour l’exposition d’autres magnifiques ellipses sonores. Sur Kitchen Solos (je ne vous ferais cette fois pas l’affront de vous donner le nom du club new yorkais dans lequel cette pièce a été enregistrée live), retour au saxophone. Malheureusement, ce long delay ne parvient pas à apporter de saveur à une composition plus formatée et à un minimalisme au goût de jazz passe-partout. Cette improvisation ne doit cependant pas vous faire renoncer à vous procurer cet enregistrement de Landry. Le morceau-titre vaut à lui seul qu’on s’y précipite !

Dickie Landry : Fifteen Saxophones (Unseen Worlds / Instant Jazz)
Enregistrement : Réédition : 2012.
CD : 01/ Fifteen Saxophones 02/ Alto Flute Quad Delay 03/ Kitchen Solos
Pierre Cécile © Le son du grisli



John Dikeman, Klaus Kugel, Raoul van der Weide : Across the Sky (Not Two, 2012)

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Dans la famille des hauts-convulsifs, John Dikeman a toute sa place. Saxophoniste dans la lignée des Ware-Gayle-Perelman, l’Américain ne trouve son bonheur que dans la ligne brisée, le cri-morsure. On ne lui demandera pas de clarifier son phrasé puisque tel n’est pas son domaine. Reste que la thématique utilisée ici (un long bruissement inaugural avant le fracas sonique annoncé) ne change que très peu d’une plage à l’autre.

Armés jusqu’aux dents et parfaits accompagnateurs du chaos orchestré par le saxophoniste, le contrebassiste Raoul van der Weide et le batteur Klaus Kugel pulsent la matière inlassablement au risque de la rendre inefficace. Et parfois, subtilisent au magma convulsif des sentiers de subtilité bienvenue. Nécessaires moments d’apaisement avant que le ténor ne retrouve le pourpre d’un enfer dans il est l’un des plus inspirés gardiens.

John Dikeman, Klaus Kugel, Raoul van der Weide : Across the Sky (Not Two)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ A screaming Comes 02/ Across the Sky 03/ It Has Happened Before…
Luc Bouquet © Le son du grisli

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Cahiers John Butcher (hors-série N°9)

A B
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Rhys Chatham : Outdoor Spell (Northern Spy, 2011)

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Bien heureux qui pourra dire combien de trompettes et de voix superposées l’on trouve sur le premier morceau d’Outdoor Spell… L’effet est en tout cas garanti, Rhys Chatham bricole une composition de chamane fatigué au minimalisme qui dérape (n’entend on pas comme des bruits de freinage qui cherchent à faire changer d’allure à la musique ?).

Un peu plus loin, c’est la batterie de Kevin Shea qui donne la cadence, le cajón de Beatriz Rojas ou la guitare électrique de Jean-Marc Montera qui versent avec Chatham dans le free rock, la prog' mélodique entêtante ou le râga concret (à vous d’imaginer maintenant comment peut sonner ce « râga concret »). La tête vous tourne ? Normal. Vous en redemandez encore ? Normal itou.

EN ECOUTE >>> Corn Maiden's Rite

Rhys Chatham : Outdoor Spell (Northern Spy / Orkhêstra International)
Edition : 2011.
CD / LP : 01/ Outdoor Spell 02/ Crossing The Sword Bridge Of The Abyss 03/ Corn Maiden's Rite 04/ The Magician
Pierre Cécile © Le son du grisli


Improvisation Expéditives : Breakway, Motif, Joe Williamson, Sam Shalabi, Ramon Prats, Jürg Frey, Nick Hennies...

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peiraBreakway : Hot Choice (Peira, 2011)
Sous couvert d’improvisation brusque, Paul Giallorenzo (piano, moog), Brian Labycz (synthétiseur) et Marc Riodan (batterie) enfilaient en 2010 des miniatures qui crachent ou claquent. Ici, leur musique joue les concrètes, ailleurs elle se laisse endormir par les drones ; là enfin, elle électrise. Sans ligne mais avec artifices, elle convainc d’un bout à l’autre. [gb]

MotifMotif : Art Transplant (Clean Feed, 2011)
Les souffles soudés d’Axel Dörner inaugurent Art Transplant, enregistrement du projet Motif sur des compositions du contrebassiste Ole Morten Vagan. A la mécanique réductionniste succèdera un jazz de facture assez classique, amalgame ressassé d’hard bop et de free dirigé d’une main molle. Si le piano reste d’un bout à l’autre « motif » de fâcherie, on remerciera Atle Nymo d’avoir lutté contre à coups de saxophones. [gb]

freyJürg Frey, Nick Hennies : Metal, Stone, Skin, Foliage, Air (L’Innomable, 2011)
Cette œuvre de percussion célèbre d’abord l’acharnement du triangle. Par touches délicates, ce sont ensuite cymbales, caisses et objets, qu’animent Jürg Frey (sorti du Percussion Quartet) et Nick Hennies jusqu’à fantasmer l’usage d’un petit moteur, le grondement du tonnerre ou le bris de morceaux de verre. Ainsi Metal, Stone, Skin, Foliage, Air investit le champ des travaux de Fritz Hauser ou d’Ingar Zach, sans toutefois convaincre autant que ceux de ces deux-là. [gb]

hoardJoe Williamson : Hoard (Creative Sources, 2011)
Il existe beaucoup de solos improvisés à la contrebasse. Hoard date de juin 2010 et, malgré les antécédents, se fait remarquer : accrocheur, endurant voire radical, le voici attachant. Joe Williamson y appuie, frotte, astique, balance ou scie, et, malgré quelques baisses de régime (et les mêmes antécédents), nous arrache la promesse d’y revenir. [gb] 

coteSam Shalabi, Alexandre St-Onge, Michel F. Côté : Jane and the Magic Bananas (& Records, 2012)
Précepte cher à Glenn Branca, le petit jeu consistant à passer d’un apparent chaos à une transe évolutive, se retrouve plusieurs fois appliqué ici. Nous dirons donc que la guitare électrique de Sam Shalabi, la guitare basse d’Alexandre St-Onge et la batterie amplifiée de Michel F. Côté œuvrent dans l’hypnotique et le dérèglement. Sachant s’échapper de la masse pour mieux faire bloc, nos trois sidérurgistes donnent aux sévices soniques quelques vives médailles : pièces courtes et déplumées, travaillant sur les micro-intervalles, souvent déphasées et grouillantes, elles prennent source dans la dissonance même. En ce sens, habitant un profond aven, impriment la douleur dans la chair d’une musique sauvage à souhait. [lb]

duotRamon Prats, Albert Cirera : Duot (DLB, 2012)
Pour ce duo saxophone (Albert Cirera) – batterie (Ramon Prats), creuser la matière s’envisage sur le long terme. Soit prendre un point d’appui (une mélodie, une situation rythmique) et en fouiller toutes les strates. Pour le batteur : entretenir la résonnance et faire du rythme un lointain allié. Pour le saxophoniste (flûtiste sur une plage) : improviser la phrase et ne jamais sombrer dans sa périphérie. Pour ce même saxophoniste, également : faire exister une respiration microtonale et ne jamais l’étouffer. Et surtout, pour tous les deux : ne jamais rompre le fil d’une improvisation généreuse si ce n’est spectaculaire. [lb]


McPhee, Håker Flaten : Brooklyn DNA (Clean Feed, 2012) / McPhee, Corsano : Scraps And Shadows (Roaratorio, 2012)

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Plusieurs fois avons-nous pu entendre comment fraternisent Joe McPhee et Ingebrigt Håker-Flaten : récemment en quartette sur Ibsen’s Ghosts et en duo sur Blue Chicago Blues. Quatre ans après cette rencontre à deux, McPhee et Håker Flaten enregistraient le matériau de Brooklyn DNA.

Un art nerveux de la confrontation, écrivait-on hier. Aujourd’hui, un alto répétant une sélection de graves permet au contrebassiste d’inventer une mélodie au son de laquelle fuir l’opposition ; un soprano met en joie un Håker Flaten hors ligne ; une trompette de poche change peu à peu ses expérimentations en expressions vives ; quelques souffles clairs commandent à l’archet de se lever enfin. Ci-fait, la contrebasse peut attirer à elle toute l’invention de McPhee : qui créé une intense ballade dans le sillon tracé par les cordes ou balance sur deux ou trois notes avant de jouer des épaules. Ainsi ces retrouvailles McPhee / Håker-Flaten gagnent-elles en diversité ce qu’elles perdent en autorité : font preuve de flamboyance quand ce n’est pas de haute impertinence.

Joe McPhee, Ingebrigt Håker Flaten : Brooklyn DNA (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 13 juillet 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Crossing the Bridge 02/ Spirit Cry 03/ Putnam Central 04/ Blue Coronet 05/ 214 Martense 06/ CBJC 07/ Enoragt Maeckt Haght 08/ Here and Now
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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Fruit d’une autre relation récemment entretenue, Scraps and Shadows donne à entendre Joe McPhee et Chris Corsano enregistrés le 29 mai 2011 à Milwaukee. Force de frappe redoublée, ténor emporte-pièces et batterie remontée – de rythmique libre en batucada réinventée – donnent à nouveau dans un free altier que seule l’association de l’expérience et de la jeunesse peut encore garantir.

Joe McPhee, Chris Corsano : Scraps And Shadows (Roaratorio)
Enregistrement : 29 mai 2011. Edition : 2012.
LP : A1/ For Fred Anderson A2/ For Adrienne P. A3/ For Jim Pepper A4/ For Muhammad Ali – B1/ For Paul Flaherty B2/ For Kidd Jordan B3/ For Han Bennink
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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