Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Interview de Radu Malfatti

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Quand il aura pu s’échapper d’orchestres imposants (Brotherhood of Breath, ICP Tentett, MLA Blek, London Jazz Composers Orchestra, GrubenKlangOrchester, King Übü Orchestru), Radu Malfatti n’aura cessé de réévaluer son « dire musical » à la lumière d’interrogations très personnelles. A chaque fois ou presque, sa musique s’en est trouvée redéfinie. Après avoir servi jazz et improvisation en explorateur instruit, il revendique aujourd’hui – de concert avec le collectif Wandelweiser – le recours à une tempérance saisissante, voire le droit de ne pas intervenir du tout sous prétexte d’expression. Première partie d’une interview qui en comptera deux… [LIRE LA SUITE]

une malfatti

 



Richard Barrett, Han-Earl Park : Numbers (Creative Sources, 2012)

richard barrett han-earl park numbers

Le gargarisme est convaincant. D’un côté les electronics de Richard Barrett, de l’autre la guitare d'Han-Earl Park. Tous deux grouillent et cisaillent les volumes, réactivent la matière folle, rendent la télégraphie à sa fonction première : transmettre (Tolur). Leur improvisation en miroir engorge leur transe succube, fait déborder le vase, bouche la robinetterie (Tricav).

Parfois, au milieu des monstres soniques qu’ils viennent de créer, émerge une guitare façon Bailey (Ankpla). Mais rarement rassasiés (Uettet pour me faire mentir), les voici rassurant leur nervosité naturelle en un final aux brûlures fatales (II……). Le gargarisme est convaincant. Le vertige, tout autant.

Richard Barrett, Han-Earl Park : Numbers (Creative Sources / Metamkine)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Tolur 02/ Tricav 03/ Ankpla 04/ Uettet 05/ Creens 06/ II……
Luc Bouquet © le son du grisli


Cremaster : Live at Audiograft / Pluie Fine (Consumer Waste / Potlatch, 2012) / Astero : Nadir (Agxivatein, 2012)

cremaster angharad davies

Vingt-six minutes et quelque enregistrées en concert au Modern Art Oxford en mars par Cremaster (le duo d’Alfredo Costa Monteiro et Ferran Fages). Voilà pour les premières informations sur Live at Audiograft. Mélomanes certainement je n’en doute pas germanophiles, nos deux hommes fabriquent une électroacoustique glacée dont le centre est gangréné de parasites et les bords sont tranchants. Plus électronique que les autres travaux qu’on leur connaît (que je leur connais en tout cas), le disque peint des avions au décollage et des collisions de bateaux-tamponneurs avec une force déroutante.

Mais pas aussi déroutante que sur Pluie Fine, CD qui sort chez Potlatch (qui a récemment produit le très bon Sei Ritornelli) que Cremaster a enregistré avec la violoniste Angharad Davies (par correspondance de 2010 à 2012 : tiens, je t’adresse ce bruit… Merci, voilà un peu de crin crin pour toi… Bien reçu, reçois ce drone des familles… etc.). Le problème c'est qu'à force d’être dérouté, me voilà perdu ! Les dispositifs électroacoustiques et la table de mixage des compères s’agitent avec trop de sérieux peut-être, en tout cas sans grande originalité. Désagréable cette impression de rentrer dans un tunnel (qui ne nous protège même pas de la pluie fine) et de n'en jamais voir le bout… Dommage cette fois.

Cremaster : Live at Audiograft (Consumer Waste)
Enregistrement : mars 2012. Edition : 2012.
CD : Live at Audiograft

Cremaster, Angharad Davis : Pluie Fine (Potlatch / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010-2012. Edition : 2012.
CD : Pluie Fine
Pierre Cécile © Le son du grisli

astero nadir

Astero est un autre duo-projet de Monteiro. Avec Juan Matos Capote et ses oscillateurs de sa confection, le Portugais met ses devices électroacoustiques au service d’une noise fouineuse. Buzzs, drones, crashs, sifflets, le tout fait penser à un Francisco Lopez qu’on aurait plongé dans le bitume chaud. Là, d’accord, Alfredo !

Astero : Nadir (Agxivatein)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : Nadir
Pierre Cécile © Le son du grisli


Antoine Beuger : S’approcher s’éloigner s’absenter (Erstwhile, 2012)

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De l’attente, une note filtre, fait une boucle et puis disparaît. S’approcher s’éloigner s’absenter est une composition d’Antoine Beuger qu’interprètent ici Barry Chabala (guitare), Dominic Lash (contrebasse) et Ben Owen (électronique).

D’instants de mesure en nécessités d’entendement, de bruits permis par le silence (voitures à passer dans la rue, amplis qui ronronnent…) en tensions qui insistent – il n’est plus possible de garder celui-ci plus longtemps –, les musiciens balancent et leur trajectoire est courbe. La guitare de Chabala comme l’archet de Lash suivent le mouvement : vibrato, résonance, feedback, les éléments se chargent d’abord de l’affirmer : comme la nature aurait horreur du vide, le silence ne supporterait pas les « blancs » dans la conversation.

Les présences s’imposeront ensuite. Dans les lignes longues déposées par couches (à un aigu d’Owen un grave de Lash fera face) puis le temps d’une confrontation : y tonne l’acoustique quand l’électronique glisse dans le paysage des images empruntées à des scènes de panique (rafales, sirènes…). L’abstraction chercherait-elle à illustrer le temps qui passe dans le même temps que sa chanson ? La partition de Beuger donne les clefs qu’elle veut bien ; il faudra donc qu’on y revienne.   

Antoine Beuger : S’approcher s’éloigner s’absenter (Erstwhile / Metamkine)
Enregistrement : 1er septembre 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ S’approcher s’éloigner s’absenter
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Radu Malfatti : darenootodesuka (B-Boim, 2012)

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En concert à Londres (Cut & Splice Festival), Radu Malfatti et le collectif Wandelweiser soignaient en 2011 l’esthétique parcimonieuse qu’ils ont en commun. Dans le disque publié sous étiquette B-Boim, une nouvelle citation de… Francis Brown : « Cessé-je d’exister entre des vagues de son ? ».

Malgré l’indice, noter que l’enregistrement se nourrit moins de silences que ne l’ont fait les derniers travaux improvisés de Malfatti. C’est que l’écriture commande au tromboniste et à ses partenaires –  Antoine Beuger (flûte), Jürg Frey (clarinette), Marcus Kaiser (violoncelle), Michael Pisaro (guitare) et Burkhard Schlothauer (violon) – de signifier davantage dans une note partagée. Dans les pas de quelques « maîtres » (Feldman, Wolff, Scelsi, Bryars), mais avec un penchant peut-être plus affirmé encore pour le délitement musical, le groupe interroge le pouvoir licencieux des harmoniques, à sons couverts : fréquences et vibrations.

Les souffles de Malfatti, Beuger et Frey, se superposent alors aux cordes frottées de Kaiser, Pisaro et Schlothauer. Et vice-versa. Dites du bout des lèvres et suspendues à de fragiles poignets, les notes longues franchissent des paliers qui sous leur poids soudain s’affaissent – puisque la partition ne fait entendre que ce qui est voué à disparaître. Enfin, la respiration des musiciens toujours met en danger les phrases qu’ils ont osées : le conflit sert l’ellipse, dont Malfatti a fait un art fabuleux.

Radu Malfatti : Darenootodesuka (B-Boim)
Enregistrement : 5 novembre 2011.  Edition : 2012.
CD (tirage de 78 copies) : 01/ darenooteduseka
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Richard Pinhas, Merzbow, Wolf Eyes : Victoriaville Mai 2011 (Victo, 2012)

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Merzbow & Wolf Eyes & Pinhas (bon certes bon déjà réunis sur Metal/Cristal) enregistrés au festival de Victoriaville en 2011 ? Quels beaux (je ne dirais pas doux) bruits n’attendons-nous pas de cette affiche !

Pas de raison d’être déçu : des salves de guitares arrivèrent de loin pour déferler sur un public paralysé. Qu’importe, on ajoute quelques basses qui gonflent le tout et passé le quart d’heure, voilà que l’amalgame noise commence à faire craquer le bloc compact que forment les spectateurs. Un peu de Wolf Eyes vocals (comprendre : des chants de torture), des saxophones criards, des boucles de laptops, des guitares sous chorus et delay, l’amas est impressionnant et évite la bêtise souvent faite du branle-bas de combat boursouflé.

Car si ce concert étonne c’est par sa force de frappe bien sûr, mais encore plus par la bride enfoncée profond dans la bouche du noise… Puissant et presque pondéré. Enfin, avant que ne débute la seconde plage du disque (un rappel de dix minutes) : la foudre s’abat cette fois sur le public qui n’en réchappera pas… Puissant et volcanique. Tout parfait !

Richard Pinhas, Merzbow, Wolf Eyes : Victoriaville Mai 2011 (Victo / Orkhêstra International)
Enregistrement : 20 mai 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Victoriaville Mai 2011 02/ Victoriaville Mai 2011 – Encore
Pierre Cécile © Le son du grisli


Quatuor BRAC : Instants Chavirés (Blumlein, 2012)

quatuor brac instants chavirés le son du grisli

Ce disque nous renvoie au 3 mars 2011 aux Instants Chavirés où le Quatuor BRAC était programmé. « BRAC » pour Bertoncini (Tiziana, violon), Royer (Vincent, alto), Altenburger (Martine, violoncelle) et Cancoin (Benoit, contrebasse). Quatre musiciens dont le parcours est jonché de musiques en tous genres (classique, contemporain écrit/improvisé, jazz, performances). Ces Instants Chavirés s’en ressentent.

Dans la ligne de conduite du quatuor, on tombe sur cette phrase : « … par la confrontation singulière de nos quatre univers, permettre les surgissements sonores les plus larges possibles. » Il faut bien des séquences pour que tiennent ces « surgissements sonores », d’autant plus que la distance dépasse de peu de chose les trois quarts d’heure. Les archets peuvent gratter, frôler la corde. Ils peuvent rester dans l’air , laisser parler les bruits environnants. Ils peuvent bourdonner, tirer des nuances de la différence de leurs tons. Les pizzicati sont plus rares. Ils servent aux changements de section ou à canaliser le flux imaginaire au milieu d’une intersection.

Les « surgissements sonores » sont donc larges, on le concède volontiers. Ils n’ont sans doute pas tous été dévoilés en plus. C’est pourquoi on attend déjà le deuxième disque du Quatuor BRAC.

Quatuor BRAC : Instants Chavirés (Blumlein)
Endregistrement : 3 mars 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Instants Chavirés
Héctor Cabrero © Le son du grisli


Muennich, Esposito, Jupitter-Larsen : The Wraiths of Flying A / Lars Åkerlund : Xenon (Firework Edition, 2012/2011)

michael muennich michael esposito gx jupitter-larsen the wraiths of flying a

Après avoir édité sur son label, Fragment Factory, un court exposé de révolte incendiaire (Die Arbeiter von Wien), Michael Muennich invite Michael Esposito – en poche, des enregistrements empruntés à l’American Film Studio de Santa Barbara – à rejoindre le duo qu’il forme avec GX Jupitter-Larsen. Ceci n’empêchant pas The Wraiths of Flying A d’être fait de solos (dont six interludes signés Muennich ou Esposito), de duos et de trios – formations qui recherchent toutes la compagnie des spectres (les silhouettes ravie, impassibles ou défaite, du livret ne formulant que quelques propositions).

Sonores, ces spectres prennent voix avec lesquelles jouer (témoignages renversés ou bouclés, dialogue homme-femme en proie à quel bombardement, dédoublement de discours faiseur de scansions…) et doivent se prémunir des machineries bruyantes inventées pour les écraser : née d’une confrontation Muennich / Esposito, The Grenn Room charrie des présences à n’en plus pouvoir. Expérimentale dans ce cas, la musique peut se faire plus dérangeante encore.

Ainsi sur Heimsuschung, pensée à trois : ce sont-là d'autres voix que l’on maltraite – coupe, concasse ou étouffe – sur un drone décoré de samples et d’inserts percutants. L’ouvrage est noir bien sûr, imposant plus encore, autant que l’est Slithering, neuf minutes durant lesquelles Muennich, seul maintenant, fleurit un autre drone sur le tangage d’une fantastique bécane à ravages.

EN ECOUTE >>> The Wraiths of Flying A

Michael Muennich, Michael Esposito, GX Jupitter-Larsen : The Wraiths of Flying A (Firework Edition)
Edition : 2012.
CD : 01/ The Green Room 02/ Interlude 03/ Heimsuchung 04/ Interlude 05/ The Wraiths of Flying A 06/ Interlude 07/ The Haunting of Mary Miles Minter (Part One) 08/ Interlude 09/ Slithering 10/ Interlude 11/ The Haunting of Mary Miles (Part Two) 12/ Interlude 13/ Stage Left
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

lars akerlund xenon le son du grisli

Sur le même label, Lars Åkerlund faisait paraître l’année dernière Xenon. Ce sont-là d’autres déferlements pensés en termes de musique : boucles de notes grésillant, grouillements d’arthropodes zélés, élevage de parasites sous cloche électronique. Le bouillon de culture est aussi rare que le gaz dont il porte le nom.

Lars Åkerlund : Xenon (Firework Edition)
Edition : 2011.
CD : 01/ White Shade 02/ Slow, Horizontal 03/ Acoustic Minor 04/ No Room No Shadow 05/ Additive
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Grass Roots : Grass Roots (AUM Fidelity, 2012)

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Indiscutablement, Grass Roots ne manque pas d’atouts. Darius Jones, en particulier, dont on connait l’épaisseur du souffle, le rejet des codes, la convulsion naturelle et qui, ici, déroule, à nouveau, ses rocambolesques phrasés.

On saisit d’emblée l’intention du quartet : varier les prises de vue, créer puzzle, faire du souffle unifié une vertu première (Hovering Above) tout en le désavouant ailleurs (Ricochet).

Et surtout : réconcilier les pôles (ternaire-binaire, composition-improvisation), désosser le passé pour mieux édifier le présent. Donc : rassembler ce qui ne demandait qu’à l’être et explorer sans trop de contrainte un territoire ouvert et jamais cadenassé. Pour faire court : saisir la ronde des possibles.

EN ECOUTE >>> Lovelorn >>> Ricochet >>> Whatiss

Sean Conly, Alex Harding, Darius Jones, Chad Taylor : Grass Roots (AUM Fidelity / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Hottness 02/ Lovelorn 03/ Ricochet 04/ Schnibbett 05/ Flight AZ 1734 06/ Whatiss 07/ Hovering Above
Luc Bouquet © Le son du grisli


Radu Malfatti, Taku Unami : (Erstwhile, 2012)

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D’ordinaire, le silence « se fait ». Au Stone de New York, le 11 septembre 2011, ce sont Radu Malfatti et Taku Unami – intimes pour avoir plusieurs fois enregistré ensemble (Tokyo Sextet [2005]: Electronic Version, Kushikushism, Goat vs Donkey) – qui firent le silence. Qui n’est plus ce qu’il était…

Dans le public, d’abord, des conversations que chasse l’entrée des musiciens. Dans l’obscurité ce 11 septembre 2011 ou plus tard sur disque – c'est-à-dire à distance et privé même des ombres –, il faudra guetter le moindre son pour espérer pouvoir ensuite seulement supposer ce que le duo trame. Objets déplacés, rumeur de la rue, grincement d’une porte, respirations s’il tend bien l’oreille : l’auditeur se fait tout un monde du peu qui lui parvient. Pour ne pas le perdre tout à fait, c’est une note de guitare acoustique qu’Unami soudain taquine ou un grave de trombone qui, à peine mis au jour, disparaît – du bout des lèvres, Malfatti pourra plus loin évoluer sur une poignée de notes.

Cinquante minutes : une expérience et plus encore un moment que Malfatti et Unami ont choisi de ne pas traduire ni transformer en musique, mais plutôt de révéler en négatif. En fin de parcours, le tromboniste demande à son partenaire s’il en a fini, souligne qu’il n’est que l’invité, la réponse à la question est un oui derrière lequel l’enregistrement prend fin. L’autre question laissée en suspens (par le musicien, le label, et à leur suite le chroniqueur) ne concernera pas tant la performance sonore – l’art en a vu jouer bien d’autres – que son passage sur disque. Dont le titre même s'efface devant un soupir.

Radu Malfatti, Taku Unami : s/t (Erstwhile / Metamkine)
Enregistrement : 11 septembre 2011. Edition : 2012.
CD
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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