Antoine Chessex : Subjectivation (Fragment Factory / Rekem, 2019)
On ne sait jamais bien ce qu’on trouvera sur un nouveau disque d’Antoine Chessex, et c’est ce qui fait que le musicien intéresse, depuis des années. Ici, quand même, la pochette explique : « Live actions in San Francisco, Berlin and Zurich 2010-2014 » pour la face A ; « Selected material from live action in London [Cafe Oto] 2015 » pour la face B. Subjectivation était, pour ce disque, un titre tout trouvé.
La première face ne retient pas forcément le timbre du saxophone ténor de Chessex, disparu suite à une déflagration après laquelle on croit entendre, tour à tour, une guitare en roue libre, une basse en désaccord, une voix perdue dans le souffle qui aurait dû la porter. L’instrument de Chessex tremble, d’un bout à l’autre, servant un noise terrible capable d’avaler, pour traduire leur langage, combien de fantômes ? Un aigu efface bien leurs râles, mais un temps seulement : dans le brouillard que Chessex remonte, les voilà suspendus à un réseau qui ne révélera ses secrets – et encore, par chance – qu’à force d’écoute…
La seconde face est gorgée, elle, de multiples attaques au ténor : les saxophones grouillent, lèvent bientôt un vaisseau dans lequel le musicien s’engouffre, et dont la rumeur compose l’essentiel d’une belle musique d’angoisse : un seul et unique instrument multiplie Landry ou minimise Urban Sax : ascensionnel, son mouvement l’élime et voici que le saxophone se fond avec notre décor. C’est l’autre façon qu’a trouvée Antoine Chessex de faire œuvre de bruit à partir de la disparition d’une sonorité première.
Antoine Chessex : Subjectivation
Fragment Factory
Edition : 2019
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Cette chronique est extraite du cinquième numéro du son du grisli papier.