Makoto Kawashima & Harutaka Mochizuki : Free Wind Mood (An'archives, 2018)
Depuis quelque temps, un truc se réveille dans les clubs du Japon, de jeunes gens enragés redécouvrent l'histoire de la free music, se l’approprient et la bousculent, enfilant les fringues trouées de Kaoru Abe. Makoto Kawashima et Harutaka Mochizuki apparaissent aujourd'hui comme deux échos sublimes de ces lointains orages disparus.
Makoto Kawashima est apparu sur le label mythique PSF, adoubant ce jeune sax alto qui reprend le free là ou Abe l’avait laissé dans sa sauvagerie dernière, pour sa façon aussi de désosser de poisseuses mélodies, les écorcher littéralement. C’est juste beau, si la beauté peut être de mourir dans le son, par le son. Ca joue, entrant toute sa rage et sa désespérance dans le corps de métal, les poumons avec, ectoplasme errant entre les couacs, les crachats soniques, les mélodies blessées, les chorus avortés dans la vibration d'un air chargé de particules métalliques.
Harutaka Mochizuki semble moins dans la fascination de cette insurrection sonique des sixties, free, lui joue comme un autiste sourd aux bruits des modes et du temps. Son jeu est comme tourné vers l'intérieur, ce qui hante nos vies, la sienne. Il ne cherche pas à cacher les bruits de l'instrument, alto patiné, mais au contraire à exhiber, faire entendre, monstration du cirque intime du sax, souffles, salives sonores, jeu asthmatique, mélodies comme crachées dans l’air. Il y a une vraie fragilité dans son jeu, comme un fil tendu dans l’air où s’accrochent des notes maigres, tremblantes, susurrées. Il écrit de foutues mélodies sur le vent, poésie de l'écart, le son comme un bateau ivre, on tangue et putain c'est beau.
Makoto Kawashima & Harutaka Mochizuki : Free Wind Mood
An'archives
Edition : 2018.
Michel Henritzi © Le son du grisli