Leif Elggren : Un peu comme voir dans la nuit (Rip on/off, 2013)
Une introduction de Christine Ritter et une présentation de Thibault Walter, qui évoquent l’un et l’autre l’hétéroclite travail de Leif Elggren, une conclusion de Laura Daengeli qui aborde son œuvre sous l’angle du sympathique homme qu’il est, et c’est sa « production littéraire » (1970-2013) qui nous est ici livrée, et en français encore.
Derrière la dédicace au dessinateur Charles Méryon, quelques influences (Rimbaud, Lautréamont, Breton, Bataille…) – Il est dit que nulle Reine n’est une Reine sans être une Reine avant – dont Elggren se sera éloigné pour créer un langage personnel dont il aura nourri, et dont il nourrit encore, combien de voix dissimulées – celles de ces bonshommes à têtes d’épingles qui prolifèrent sur papier ou celles de ces cellules sur pattes qui peuvent s’insinuer jusque dans ce qu’il reste de Catherine de Suède ?
Le chagrin qui divise l’abîme n’est pas mesurable, il crée simplement un lien vers un autre abîme et n’est perceptible ni par la peau (toucher) ni par l’odeur, ni par l’écoute, ni par le goût ni même par la vue, mais par quelque chose d’autre. Quelque chose d’autre. Chez Elggren, ce « quelque chose d’autre » pourra prendre la forme d’une performance, d’un souvenir, d’une phrase ou d’un dessin… Mais ce ne sont là que de simples tentatives, qui vont au son de rumeurs diverses (charges électriques, moteurs ronflant, inquiétantes phonations…) dont un disque donne ici un aperçu. Et toutes les tentatives faillissent – c’est là leur beauté – dans un bruit étouffé de poésie étrange : Il est trop tôt pour croire que nous allons oublier d’où nous venons…
Leif Elggren : Un peu comme voir dans la nuit, et autres textes
Rip on/off (Van Dieren) / Les Presses du Réel
Edition : 2013.
Livre (144 pages) + CD
Guillaume Belhomme © Le son du grisli