Bruno Duplant : Fictions (Aussenraum, 2015)
N’ayant pas (encore) abandonné la contrebasse, Bruno Duplant sait néanmoins s’en passer. C’est en tout cas ce qu’il a récemment prouvé à l’orgue (Là où nos rêves se forment / Là où nos rêves s’effacent, Immobilité…) et ce qu’il prouve aujourd’hui dans un autre domaine, celui de la composition électroacoustique d’un genre inquiet.
S’il s’est bien gardé de les visiter (une affaire de précaution), Duplant est allé chercher l’inspiration à Prypiat et Futaba, « capitales » des zones d’exclusion circonscrites après les accidents nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima. L’intention est donc différente de celle des Sounds From Dangerous Places de Peter Cusack, et si l’on ne tient pas à reprendre le terme de « fiction » qu’utilise le musicien, on parlera ici de fantasmes capables de faire illusion.
Quelle est alors la provenance de ces bruits de basse-cour et de ces grincements métalliques ? Quel est l’usage que l’on fait encore de ces rails sur lesquels un lourd wagon glisse ? Quelle est la véritable nature – non, pas un réacteur – de ce monstre endormi, à la respiration rauque, au flanc duquel Duplant a posé ses micros ? Les questions se posent au fil des tours que fait le disque sur lui-même et qui le distendent : c’est ainsi que le compositeur gagne encore en espace, qu’il fleurit de différentes manières avec un à-propos qui bruisse et captive.
Bruno Duplant : Fictions
Aussenraum
Edition : 2015.
LP : A/ Prypiat – B/ Futaba
Guillaume Belhomme © Le son du grisli