LDP 2015 : Carnet de route #5
Après Karlsruhe et avant un retour en Suisse (Zürich, Seismogram), Schorndorf. D'où Urs Leimgruber, Jacques Demierre et Barre Phillips nous adressent le cinquième chapitre de leur carnet de route.
27 mars, Schorndorf, Allemagne
Klub Manufaktur
Last night the sound was so special. Of course it has to do with my ears and perception, but the space, a medium sized other-time industrial space, was instantly available to sound. It reminded me of early peyote experiences when the sounds became palpable, like putty in the hand. Plus a very positive medium-sized group of people to share the moment with us. Older people. I didn't see one young person, yet there must have been at least one, hidden amongst the long-beards. "So nice to hear you again". Really long-spending applause at the end. The sharing very special, beyond the usual waves. And a great part of what makes this type of concert a success are the people who organize it. Club Manufaktur. Volunteer folk. Werner, Andrea and the others. Giving a not small part of their lives to making their passion shareable. The local organizer is so important to us, the traveling musician-performer. The warm welcome, the right hotel, good food at the right time, the com work that over the years adds up to a room full of people to share the sounds and vibrations. The continual entrepreneurial struggle to keep the funding in tact over the years. Elements so vital to the life of the music. So dear sponsors, know that we appreciate you beyond the veil. Hugs & donuts all around.
The Black Bat spent the night at the opera.
B.Ph.
Der Konzertort „Manufaktur“ befindet sich in einem ehemaligen Fabrikgebäude. Der Raum mit seinen akustischen Voraussetzungen eignet sich hervorragend für live Musik.
Gute Freunde und Bekannte und ein aufmerksames Publikum kommen zum Konzert. Die Stimmung im Raum ist höchst konzentriert. Das Trio spielt einen extensiven ersten Teil. Nach der Pause spielt Barre Phillips ein Solo. Anschliessend fügt sich das Trio wieder zusammen, bis zum Schluss.
Zitat:
Die Spieler beobachten sich gegenseitig, nehmen Motive untereinander auf, ergänzen diese, zerspielen sie und horchen praktisch in die sich umschleichenden Töne hinein. Alles bleibt dabei aggressiv und rau, ganz frisch wie improvisierte Musik sein sollte. Trotzdem gibt es auch immer wieder Stille, ein Zurücktreten von Zweien gegenüber einem Einzelnen, wodurch hier die Balance zwischen den drei Individuen wunderbar hergestellt wird. Und dem Hörer Raum gelassen wird, zuzuhören. JAZZTHETIK
U.L.
Yamaha, P121n-Silent, E334739. La première image en pénétrant l'obscurité de la salle fut, à part la forme reconnaissable d'un piano droit, une paire de sabots, mi-bois, mi-cuir rigide, comme abandonnée face à l'instrument. Elle appartenait à l'accordeur, un homme aux cheveux longs, sympathique, chaleureux et édenté, qui semble aimer porter des chaussures de cuir souple dans ses sabots quand ceux-ci ne gisent pas de part et d'autre des pédales forte et una corda de l'instrument. "J'aime les résonances" me dit-il, " et les harmoniques", je comprends, moi aussi. Dans un geste contradictoire un peu tragique, il tenta de me convaincre que ce Yamaha vertical sonnait aussi bien qu'un piano à queue, mais qu'on ne pouvait de toutes façons pas demander l'impossible à un piano droit. J'ai tout de suite senti, au jeu, au partage des sons, que pour en avoir plus, il fallait en chercher moins. Il fallait élaguer le son du piano vers le silence et non lui ajouter une pression sonore qui allait très rapidement l'étouffer. (Je parle là de la version Yamaha P121n en mode acoustique et non en mode SILENT, où le pianiste porte un casque stéréophonique et où les marteaux ne frappent plus les cordes, mais où le mouvement des touches et d'autres paramètres performatifs sont captés par des senseurs optiques et convertis en données numériques. L'expérience d'écoute d'un concerto de Rachmaninov en mode SILENT, mais perçu depuis l'extérieur, c'est-à-dire en n'écoutant que la structure rythmique de la pièce rendue à travers la mécanique bruitiste des marteaux, est tout à fait enthousiasmante, rendant du coup parfaitement dérisoire l'espace sonore pianistique numérique proposé par la firme japonaise.)
Changer d'instrument chaque soir, comme sont amenés à le faire les pianistes, et quelque soit le type de piano envisagé, à queue, droit, toy, pose moins la question de l'instrument et de sa qualité intrinsèque, que celle du processus de perception et de la primauté qu'on lui accorde. Je dirais, avec David Dunn, que l'organisation de la perception est plus fondatrice que la manipulation des éléments matériels de base de la production du son. A chaque nouveau piano, une nouvelle stratégie d'écoute: primauté de l'esprit sur la matière ?
J.D.
Photo : Jacques Demierre.