Rashad Becker : Nantes, 29 août 2014
L’atelier est faiblement éclairé. Sur une table, la machinerie avec laquelle compose Rashad Becker ; derrière elle, l’homme est discret, réfléchi voire secret. Comptés, ses mouvements modéreront les sonorités à peine engendrées – extraites de quels stocks ou archives ? – pour penser déjà la forme des combinaisons qui transcenderont celles encore à naître.
Comme hier le chercheur en musique concrète, Becker opère en compositeur obligé par son matériau, mais avec cet avantage d’avoir façonné, et non pas révélé, le chant des « objets » qui l’inspirent. Sur Traditional Music Of Notional Species Vol. I ou remixant Christian Wolfarth (Acoustic Solo Percussion Remixes), l’ingénieur du son avait trahi un goût pour l’animal chantant au point de se changer en chef d’un orchestre confondant : râles, hululements, miaulements, feulements – allongés, étouffés, accélérés… – abondent ici encore, dont un rythme peut cristalliser la plainte ou un gimmick consolider la portée.
Mais Becker travaille parfois davantage l’abstraction de ses structures sonores : jeux de fréquences, d’ambivalences, de citations, de fuites voire de désertions : l’expression n’est plus la même, qui se passe de chant et de rythme pour construire dans les bruits et perdre dans les évocations (minimalisme, indus, noise, downtempo…). Le tour de force résidant dans l’à-propos et l’équilibre des six à sept séquences de cette performance, bel ouvrage envolé de concrétisme sonore réduit à ses fondamentaux : pas fier, mais haut.
Rashad Becker : Nantes, festival SOY, Médiathèque Jacques Demy, 29 octobre 2014.
Photo : Nantes.fr
Guillaume Belhomme © Le son du grisli