Eliane Radigue : L'écoute virtuose (La Huit, 2012)
J’ai parfois cette impression de passer mon temps à rêver d’être ailleurs. Et même à rêver d’avoir été ailleurs à tel moment donné. Hier encore, j’aurais voulu avoir été à Londres en juin 2011, lorsque le Spitalfields Summer Music Festival rendit l'hommage à Eliane Radigue qu’a filmé Anais Prosaïc. Mon envie et ma volonté n’y peuvent rien, il n’est pas d’autre retour en arrière possible que celui que me propose ce film. Mais il a de quoi me consoler quand même.
Parce qu’il revient vite mais bien sur la « carrière » de la dame des drones : malicieuse, elle-même nous parle de la reprise de ses activités musicales après son divorce d’avec Arman en 1967, de son travail avec Pierre Henry et Pierre Schaeffer, de ses expériences avec les synthétiseurs, de sa musique qui « ne pardonne pas qu’on ne l’écoute pas » (pied de nez peut-être à l’ambient avec laquelle certains la confondent ?), de son chat-assistant…, quand ce n’est pas Emmanuel Holterbach qui nous éclaire avec intelligence sur son corpus. Et aussi parce que le film la laisse nous entretenir d’aujourd’hui, de ses rencontres avec les musiciens qui la sollicitent et de la transmission orale d’une musique « impossible à écrire », dit-elle.
Pour préparer le festival, Eliane Radigue a transmis ses compositions puis a écouté longuement des instrumentistes qui parleront tous face caméra – par ordre d’apparition : Rhodri Davies (qui créa à cette occasion Occami), Kasper T. Toeplitz, Kaffe Matthews, AGF, Ryoko Akama (les trois forment The Lappetites), Carol Robinson, Bruno Martinez et Charles Curtis (les trois interprètent Naldjorlak II pour cors de basset et violoncelle). Les uns après les autres, les musiciens (leurs notes) et Eliane Radigue (ses mots) tissent une ode au « son continu » qui l’envoûte depuis toujours, à ce que Davies appelle lui la « note étendue ». Tous, avec virtuosité, nous disent qu’en juin 2011, nous nous étions surement trompés d’endroit – d’accord, ce n’est pas la première fois, mais où pouvions nous bien être ? Reste à rattraper le temps perdu ailleurs, grâce aux images et plus encore à la musique de L’écoute virtuose.
Anaïs Prosaic : Eliane Radigue. L’écoute virtuose (La Huit / Potemkine)
Enregistrement : juin 2011. Edition : 2012.
DVD : Eliane Radigue. L’écoute virtuose
Héctor Cabrero © le son du grisli