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Le son du grisli
2 juin 2012

Bobby Bradford : With John Stevens and the Spontaneous Music Ensemble (Freedom, 1971)

bobby bradford john stevens

Ce texte est extrait du troisième des quatre fanzines Free Fight. Retrouvez l'intégrale Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié aux éditions Lenka lente.

C’est à Londres, en 1971, que Bobby Bradford enregistra en compagnie du Spontaneous Music Ensemble de John Stevens. A l’intérieur de celui-ci, on trouvait l’incontournable saxophoniste Trevor Watts et puis la vocaliste Julie Tippetts, le tromboniste Bob Norden et le contrebassiste Ron Herman. Watts se souvient des circonstances : « Celui qui a suggéré à Bobby que John Stevens et moi étions les musiciens anglais qui pourraient faire honneur à sa musique, c’est le journaliste Richard Williams, qui travaillait à l’époque au Melody Maker. Il a, en quelque sorte, joué les agents de liaison… »

bradford 1

Dans les notes du livret accompagnant la réédition sur deux CD de ces séances – sous étiquette Nessa, label qui les réédita une première fois sur vinyle au début des années 1980 –, Bobby Bradford confirme : « A l’été 1971, j’appartenais à un groupe de professeurs de l’enseignement public qui avait organisé un séjour en Angleterre pour peu cher. A cette époque, je n’avais pas le moindre contact à Londres, mais en Californie, on m’avait donné un nom : Richard Williams. Quand j’ai appelé Richard, il m’a dit qu’il aimerait que je rencontre quelqu’un. Quelques heures après, John, Trevor et moi jouions ensemble, et le jour d’après Bob Norden, Julie Tippetts et Ron Herman, se sont fait une place sur la photo. Nous avons donné quelques concerts dans des pubs de Londres et ses environs puis nous sommes entrés en studio. Ce fut un événement magnifique : totalement spontané, enivrant, fou… Pour John, Trevor et moi, ça a été le début d’une longue et fructueuse collaboration. »

Depuis le milieu des années 1960, le Spontaneous Music Ensemble travaille à son adaptation du free jazz. Né au Little Theatre Club de la cuisse du quintette que Trevor Watts et le tromboniste Paul Rutherford menaient de concert et dont John Stevens tenait la batterie, le groupe appliqua à ses improvisations les processus compositionnels élaborés par ce-dernier – qui voudra en apprendre davantage sur les click et sustained pieces devra aller lire l’ouvrage, récemment réédité par Rockschool, Search and Reflect : Concepts and Pieces by John Stevens.

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A l’origine du double disque né des efforts de Nessa, il y a un disque unique, édité en 1974 par le label Freedom. Faisant fi des compositions de Bradford – « Room 408 », « His Majesty Louis », en hommage à Armstrong –, il consigne une improvisation et deux compositions de Stevens capables de permettre la rencontre du jazz inventif et de l’improvisation telle qu’on l’applique alors en Angleterre. A en croire Watts encore, malgré l’enjeu, l’atmosphère est accommodante : « Bobby était sans arrêt disposé au mieux. Après chaque concert (à l’époque, je fumais encore), nous partagions d’excellents cigares cubains qu’il avait apportés. C’était sa façon à lui de célébrer les moments que nous passions ensemble. Côté musique, il a toujours été très ouvert… »

Côté musique, pour s’en tenir au contenu du disque Freedom, Bobby Bradford With John Stevens and the Spontaneous Music Ensemble est un enregistrement remarquable. En ouverture, trouver trois pièces de Stevens assemblées : « Trane Ride », « Ornette-Ment » et « Doo Dee », qui déploient une dramaturgie sonore aux multiples confrontations. Stevens y tient le rythme, les souffleurs y bataillent avant de se tourner le dos pour s’exprimer en individualistes : replis dans le free jazz, Watts sifflant lorsque Bradford claironne. Une improvisation, ensuite : « Bridget’s Mother ». De l’autre côté du miroir, l’association déroule le fil ténu qui sort de la bouche de Tippetts : l’indolence suit un principe de réflexion, trompette et alto font œuvre d’artifices quand Stevens tient le silence en respect entre deux baguettes. La batterie réapparaît sur l’autre face : « Tolerance / To Bob » est d’abord une marche désespérée qui respecte l’allure d’une valse perdue ; « Tolerance / To Bob » est ensuite un aveu de mordant retrouvé : Stevens y commande : Watts évoquant Archie Shepp à l’alto, Bradford comblant son free de lyrisme hautain, Tippetts brillant en épileptique inspirée. Le dosage est précis et la formule intense : on y trouve une véhémence doublée de mystère ; un chant unique élevé en brumes océanes.

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