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Le son du grisli
1 janvier 2012

Sam Rivers, Dave Holland : Vol. 1 & 2 (IAI, 1976)

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Ce texte est extrait du deuxième volume de Free Fight, This Is Our (New) Thing. Retrouvez les quatre premiers tomes de Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié par Camion Blanc.

Ces deux volumes réalisés en duo, et à parts égales par Sam Rivers et Dave Holland, représentent une oasis de relative tranquillité au milieu de l’œuvre du premier dans les seventies. Probablement qu’aucun autre saxophoniste à la même époque que Sam Rivers incarne la synthèse parfaite de préoccupations parfois et hâtivement jugées antinomiques. Par exemple la spontanéité inhérente au free jazz n’exclut en rien l’introspection. Sans compter que la véhémence peut gagner à être cadrée dans des formes savamment élaborées. De même qu’une phrase aux contours tranchants peut très bien s’accommoder d’une certaine fluidité. De pareils contrastes naît ici un charme indubitablement insidieux. 

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Avec tout ce qui l’a nourri (notamment Lester, Bird, Ben Webster, Coltrane, Rollins), que ce soit au ténor comme au soprano, Sam Rivers a toujours dialogué, ce qu’il fit en d’incessants allers-retours, mis à jour au travers d’intervalles singuliers, et au fil du temps de plus en plus distendus. L’énergie sollicitée au cours de cette mis en œuvre n’est jamais dépensée en pure perte, mais bien plutôt constamment placée sous contrôle dynamique.

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Certains critiques, autrefois, insistèrent à juste titre sur la lisibilité irréprochable du discours de Sam Rivers, éminemment paradoxale quand elle s’avère encore patente au milieu d’un déluge de notes torrentiel. Au contraire de la clarté dont s’émerveillaient donc certains, d’autres crurent percevoir chez lui une véritable part de nuit qu’il se serait évertué à traverser afin d’en arracher quelque mystère. Les uns et les autres avaient, chacun à leur façon, pointé la même vérité. A savoir que chez Sam Rivers les schèmes harmoniques servent la patte afin d’en aiguiser les qualités – dont cette fameuse clarté. Au point d’ailleurs que les éboulements du phrasé – bien qu’imprévisibles – finissent toujours par ondoyer : virevoltants, chatoyants – irrésistibles. 

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En ces duos, le lyrisme s’insinue donc de manière perverse – basée sur le refus buté de toute facilité mélodique comme du swing. Sam Rivers et Dave Holland conversent dans l’élan d’une échappée qu’aucun accident de parcours ne saurait contrarier, exigeant de leur liberté vécue à deux qu’elle interroge sans cesse ce qui s’accomplit, mais sereinement – et quelque soit le degré de volubilité ayant cours. Car équilibre et harmonie priment tout au long des quatre faces que les deux hommes gravèrent sur ces deux LP, où saxophone ténor, soprano, piano puis flûte de l’un, vingt minutes durant à chaque fois, répondent à la contrebasse de l’autre.

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L’on a pu aussi entendre chez Sam Rivers le juste mélange entre l’ivresse d’un Coltrane et la lucidité d’un Rollins : ce n’est pas faux non plus. De fait, à aucun moment, pas même au piano ou à la flûte, Sam Rivers ne paraît se complaire dans quelque rumination que ce soit, tant sa pudeur ordonne la tempête couvant à chaque seconde, jusqu’à retenir l’explosion définitive de tous contours. Dans un même souffle Sam Rivers semble tout donner et reprendre tout aussi vite, ce dont jouira l’amateur de ce genre d’ordonnancement – là quasi méthodique. Quelque soit l’instrument sollicité, les vagabondages serpentins de Sam Rivers, suivis pas à pas par Dave Holland, ne se satisfont d’aucun autre repos que nécessaire à de nouveaux départs vers d’inédites aventures – et cela sans répit du début à la fin.

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