Daunik Lazro : Horizon vertical (Hors Œil, 2011)
Depuis une dizaine d’année Daunik Lazro a délaissé l’alto au profit du baryton. Moins de satellites, plus de possibilités : les sons qui sortent du baryton de Lazro sont des sons qui écorchent le convenu. Ce sont des sons de batailles, propulsés contre l’arrogance des chefs. Ce sont des sons que beaucoup ne veulent pas entendre et que beaucoup n’entendront jamais. Des sons qui interrogent et bousculent un monde (à jamais ?) servile. Ce sont surtout de sons qui s’accordent et se réfléchissent aux partenaires du saxophoniste (ici Raymond Boni, Jérôme Noetinger, Jean-Luc Guionnet, Emilie Lesbros, Clayton Thomas, Kristoff K.Roll, Aurore Gruel, Michel Raji, Louis-Michel Marion, Qwat Neum Sixx). Au détour d’un concert, le saxophoniste dit le plaisir d’avoir joué quelque chose qui n’était jamais apparu jusque-là.
Et puis Daunik parle. Il parle de sa rage, de son désespoir, de ses tourments, de la perte, des expériences passées, des influences (Bechet, Dolphy, Ornette, Lyons, Portal). Avec le photographe Horace, il se souvient d’Ayler à Pleyel, des spectateurs qui partaient en masse, de ceux qui hurlaient leur dégoût et des autres qui criaient leur joie. Encore une bataille. Perdue ou gagnée ? Sommes-nous assez sereins, aujourd’hui, pour seulement envisager d’y répondre ? Et il parle encore. Il parle d’astrologie, du corps qui flanche, des substances illicites qui l’ont transporté dans une autre dimension.
Souvent, Christine Baudillon filme le saxophoniste, immobile. Minutieusement, elle enregistre le vent dans les branches. Elle superpose les axes. Un filet d’eau coule. Des feuilles mortes jonchent le sol. Le mouvement est lent et Tarkovski n’est pas loin. Et surtout, elle n’impose rien, ne bouscule rien. Cinéaste humble et investie, elle n’interfère pas : elle enregistre et témoigne. Seulement cela. Et ce cela est immense.
En bonus, un livret de photographies commentées par le saxophoniste lui-même. Un passé pas si lointain : des duos, des trios, des quartets et des visages jamais figés, toujours en mouvement. Un DVD indispensable mais vous l’aviez sans doute compris.
Christine Baudillon : Daunik Lazro : Horizon vertical (Hors Œil Editions)
Edition : 2011.
Luc Bouquet © Le son du grisli