The Vandermark 5 : Alchemia, 14-15 mars 2009
En février et mars dernier, Ken Vandermark fit tourner son quintette en Europe. A Rotterdam, Cadix ou Cologne, on put ainsi entendre The Vandermark 5, qui conclua sa tournée les 14 et 15 mars dans les caves de l’Alchemia, café de Cracovie où le groupe a ses habitudes depuis qu’il y a passé une semaine en 2004 – ces concerts du groupe (qui employait alors le tromboniste Jeb Bishop) se trouvent consignés sur Alchemia, coffret renfermant douze disques publié par le label polonais Not Two. Cette année, deux soirées seulement, donc, et une formation qui n’est plus la même : pour donner à entendre à la place de Bishop le violoncelliste Fred Lonberg-Holm, déjà présent sur l’indispensable Beat Reader publié l’année dernière par le label Atavistic.
Pour l’essentiel, le répertoire est neuf : que l’on retrouvera (puisqu’enregistré tout au long de ces deux soirs) sur une future référence du catalogue Not Two (Annular Gift) et qui permet au Vandermark 5 de mettre à l’épreuve sa nouvelle combinaison. Concentrés, les musiciens entament le premier des quatre sets donnés à Cracovie, qui tiendront parfois de la séance d’enregistrement partagée avec le public : Table, Skull, and Bottles inaugurant l’exercice sur l’air d’une musique de chambre aux arrangements soignés bousculé bientôt par le saxophone alto de Dave Rempis et l’archet vindicatif de Lonberg-Holm. Passant de saxophone baryton en clarinette, Vandermark dirige ensuite ses partenaires autant qu’il s’adonne avec eux à des jeux de construction polymaniaque (Heavy Chair, sur lequel Rempis n’en finira pas de bondir, Cadmium Orange, qui révèle les obsessions de musiciens envoûtés par la répétition) qui font confiance autant aux unissons impétueux qu’à toutes improvisations ardentes : solo du batteur Tim Daisy sur un titre du contrebassiste Kent Kessler (Latitude sophistiquée) ou dérives du baryton sur l’apaisant Early Color que signe Rempis.
Elargissant son champ d’action – allures ou attitudes différentes à appliquer à chacun des thèmes : dépositions d’atmosphères aléatoires faisant référence à l’école new yorkaise de musique contemporaine ou phases d’obstinations concertées ravivant les couleurs d’un jazz d’avant-garde mais efficient né à Chicago (The Ladder, en rappel, combinant à lui seul ces deux éléments) –, le Vandermark 5 attesta à Cracovie son évolution frondeuse : Lonberg-Holm prenant singulièrement le parti de la section rythmique (célébrer ici son entente avec Kessler) tandis que Vandermark, robuste et assuré, tire maintenant davantage de son association avec Rempis, au caractère plus affirmé – au passage, ne pas hésiter à aller l’entendre à la tête de son propre quartette sur The Disappointment of Parsley, dernière référence en date du catalogue Not Two enregistrée au même endroit quelques mois plus tôt. Plus que dans l’arrivée de Lonberg-Holm au sein du groupe, sans doute faut-il voir dans la fervente communion de Vandermark et Rempis les sources de la régénérescence d’une formation d’exception. Au sortir de la taverne obscure, avant de gagner la rue du miel qui longe le quartier de Kazimierz, l’évidence, en tout cas, en est là.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli