Jean-François Pauvros, Alain Mahé : Papillon de mer / Catalogue : Assassins
Dans son ABC de la barbarie – saine relecture d’été –, Jacques-Henri Michot réserve une entrée à « Actualité oblige… » et une autre à « Doubles casquettes ». Nulle « Actualité double » ou « Double actualité », et pourtant, imaginez l’enfer : deux actualités plutôt qu’une, on étouffe déjà. L’artiste qui s’en vante y voit sans doute des preuves données d’une activité débordante voire d’une inspiration insatiable. Leurre. Heureusement, celui qui nous intéresse est Jean-François Pauvros : deux disques à sortir à quelques semaines d’intervalle (Papillon de mer et Assassins) font-ils une activité double ?
Courage, fuyons : ainsi le guitariste profite-t-il de la vitesse à laquelle le son se propage en mer pour filer avec lui, et en compagnie d’Alain Mahé. Au synthétiseur modulaire (Kobol), saxophone ténor et… pierres, ce-dernier accompagne le mouvement du guitariste, l’invite parfois à la dérive : la guitare progresse lentement d’arpèges délicats en notes tressées, la voix grave ose ici ou là quelques mots (nœud défait, remontent à la surface des « lambeaux de mémoire », des vestiges de « cités perdues » et quelques « migrants noyés ») qui surnagent ensuite dans un bruit de moteur – râle, répétition, grincement.
On pourrait dire la musique atmosphérique si elle n’était marine. Quant à ses façons de virer jusqu’à l’écueil (le bashungien Comme des algues vertes), pas de quoi faire oublier les trésors qu’elles auront charriés : inquiétant ressac de L’étant chimérique, écume sans cesse battue de Sourdre. Et puis il y a la présence, sur deux titres, de Rico Rodriguez : le brass band que le tromboniste compose à lui seul attire Pauvros et Mahé jusqu’aux abysses (Disparition) avant de fêter avec eux le retour à la surface sur un air de manège (Au bout des mondes).
L’ivresse des profondeurs ne permettra pas à Jean-François Pauvros de révéler la date à laquelle il enregistra avec Gilbert Artman et Jac Berrocal les inédits de Catalogue que publie ces jours-ci Jean-Marc Foussat (auteur de l’enregistrement qui, comme le guitariste, « a dada au cœur ») sur son label FOU Records.
Une vingtaine de minutes pour trois titres qui s’enchaînent et que se disputent une batterie épaisse (quand le rythme n’est pas l’affaire d’un tambour presque indien), d’éruptifs éclats de guitare et de grands cris arrachés à l’ennui. Après quoi, et même si à notre tour la tête nous tourne, nous rouvrons l’ABC de la Barbarie où, page 66, « Envergures de leaders » (un trio de leaders, c’est combien de décisions d’envergure ?) précède « Envolées du chiffre d’affaires » (que méritent et Catalogue et FOU Records).
Guillaume Belhomme © le son du grisli zombie 2024